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 Dossier sur la guerre des Six jours (1967)

     
     

 

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La guerre des Six jours : des questions sans réponses PDF Print E-mail
Written by Mohamed Abdel Azim   
Tuesday, 05 June 2007

 

Il y a 40 ans, le 5 juin 1967,  la troisième guerre israélo-arabe est déclenchée par l’armée israélienne. Ce troisième conflit israélo-arabe est la première guerre préventive de l’histoire militaire régionale. Elle change la carte géographique régionale ainsi que les rapports entre Arabes et Israéliens. Un dossier en 5 volets proposé par Mohamed Abdel Azim*
 

Premier volet :  des questions sans réponses
ImageIl y a 40 ans, le 5 juin 1967, la troisième guerre israélo-arabe est déclenchée par l’armée israélienne. Ce troisième conflit israélo-arabe est la première guerre préventive de l’histoire militaire régionale. Ce conflit reste celui qui change la carte géographique régionale. La guerre des Six jours change durablement les rapports entre l’Etat hébreu et ses voisins arabes. Israël occupe désormais le Golan, le Sinaï, la bande de Gaza et la Cisjordanie. Les armées arabes subissent une défaite et une humiliation militaires sans précédant. Les conséquences de cette guerre sont encore non résolues aujourd’hui, malgré les résolutions des Nations-unies[1]. Quelles sont les vraies raisons de cette guerre ?

Les raisons de la guerre

Les raisons officielles  de la guerre de 1967 sont multiples notamment celles qui concernent la menace de Nasser qui s’est montré “non dissuadable”. Mais, les raisons cachées jusqu’à présent sont opaques et non clarifiées. Il est difficile de rechercher les preuves des raisons cachées derrière les préparatifs égyptiens de la guerre (détruire le réacteur de Dimona) et les raisons de l’attaque préventive israélienne (défendre la centrale). De plus nous ne disposons pas d’éléments de réponses claires concernant les raisons des vrais-faux rapports soviétiques envoyés par le Kremlin à Nasser à propos des préparatifs d’attaque israélienne contre la Syrie. Enfin, du côté israélien, quelles sont les vraies raisons de ce que les historiens appellent : la révolte des généraux ?

agrandir l'imageLa réponse réside dans la zone des secrets bien gardés : le site de production des armes nucléaires israéliennes. Nous restons dans le domaine de l’interprétation des faits et des actions des décideurs. La recherche de documents concernant ce qui s’est réellement passé est difficile voire impossible. Les documents sont difficilement accessibles et une fois trouvés, on a la surprise de constater qu’une partie a été volontairement rendue illisible, rayée ou effacée. Comme c’est le cas de ce document, daté du 24 mai 1967 (11 jours avant la guerre des Six jours). Il est partiellement rendu illisible et des paragraphes entiers ont été rayés[2]. Cliquer pour agrandir l'image -->



En 1967, le Caire représente une vive menace contre le réacteur israélien dans le désert de Néguev. Le 26 mai, Nasser envoie ses avions de reconnaissance survoler le Sinaï. Il place une force aéronavale au large de Hurghada avec 12 avions de combats, selon le rapport du  général Wheeler lors du Meeting on the Arab-Israeli Crisis qui a lieu à Washington le 26 mai 1967, en présence du président Johnson, le Secrétaire d’Etat Dean Rusk ainsi que McNamara[1].
Le lendemain, le 27 mai, quatre avions de combats MIG survolent de nouveau le Sinaï et se rapprochent du site de Dimona, écrit l’ambassadeur américain à Tel-Aviv Barbour dans son  Telegram From the Embassy in Israel to the Department of State[2]
  • “ (…) 2. Believe this helpful. However, Israelis took occasion embark on emotional, evidently sincere, exposition their thesis that evidence available to them conclusive that Nasser has "crossed his Rubicon" and surprise aerial attack expected any moment. (…) They talked in terms of surprise air strike knocking out Israeli airfields and rendering their response ineffective. They said they had intercepts of Egyptian messages to confirm situation as they see it. Also frightened by fact four MIGs overflew Israel yesterday and Israeli Airforce not able intercept”.
Cette situation montre que malgré la supériorité militaire, les Israéliens ne sont pas à l’abri d’une action offensive menée par les Égyptiens. Le raïs ferme alors le Golfe d’Aqaba aux navires israéliens[3]. Le président égyptien Gamal Abdel Nasser place des unités navales au sud du Golfe d’Aqaba en demandant aux casques bleus d’évacuer leur personnel. Nasser augmente le nombre de ses troupes dans la zone du canal, les faisant passer de 30000 à 50000 hommes. Il déclare : « si Israël veut la guerre, nous lui disons bienvenue. »
Les deux sites nucléaires israéliens (Dimona et Nachal Sorek) constituent alors des cibles de haute priorité dans le plan d’attaque égyptien[4]. Le facteur des sites nucléaires joue un rôle majeur dans le déclenchement du conflit, mais il reste toujours la question suivante : quel est le degré de l’importance de ce facteur ?
Nasser envoie des missions de reconnaissance aérienne. En mai 1967, deux missions ont lieu  et l’aviation égyptienne survole le site du réacteur nucléaire de Dimona. Surviennent alors des rapports soviétiques avertissant Nasser que l’armée israélienne masse ses troupes sur la frontière syrienne[5]. Ces rapports d’Intelligence soviétique qui font état de préparatifs israéliens en vue de mener une offensive contre la Syrie ne traduisent pas une réalité militaire. Il semble qu’il n’y avait pas de troupes israéliennes massées sur le front syrien. Au Caire, il y a eu par la suite un consensus sur le fait que Nasser a fait un mauvais calcul, lourd de conséquences en agissant suite aux avertissements soviétiques et en rejetant les rapports de Washington. En effet, les États-Unis signifient à l’Égypte que les rapports soviétiques ne sont pas fondés. Dans le “Memorandum From the President's Special Assistant (Rostow) to President Johnson, daté du 17 mai 1967”, nous pouvons lire:
  • The UAR's brinksmanship stems from two causes: (1) The Syrians are feeding Cairo erroneous reports of Israeli mobilization to strike Syria. (2) Nasser probably feels his prestige would suffer irreparably if he failed a third time to come to the aid of an Arab nation attacked by Israel[6]. 

Dans un télégramme, daté du 15 mai 1967, l’ambassadeur américain à Tel-Aviv Walworth Barbour, souligne qu’il n’y a pas de troupes israéliennes massées à la frontière syrienne[7].
  • “(…) 2. Bitan said that following talks with PM Eshkol and FM Eban he authorized give following GOI reaction this representation[8]. (A). There no Israeli troop concentration Syrian, Egyptian or other frontier. (This corresponds with US Attaches reconnaissance to this hour). (B) GOI hopes infiltration and sabotage will stop. (C) If there no further sabotage there no reason anyone to worry. (D) GOI interpretation Egyptian demonstration troop activities is that Syrians trying involve Egypt in Syrian-Israeli issue and if Egyptian concentration true Syrians could represent this as support.”
Pourquoi la Syrie a-t-elle donc fourni au Caire des faux rapports sur ce point ? Pourquoi Nasser n’a-t-il pas fait confiance à son ministre de la Défense Mohamed Fawzi, lorsqu’il l’informe de la réalité à propos des frontières israélo-syriennes ? Le paradoxe de Nasser est de laisser ses forces aériennes sans aucune protection alors qu’il se prépare pour les utiliser durant la guerre, avec comme mission de détruire le réacteur de Dimona[9].

D’après Isabella Ginor[10], il y a eu une volonté délibérée de la part des Soviétiques de déclencher la guerre et d’intervenir militairement aux côtés de l’Égypte contre Israël. Y a-t-il eu échec de la dissuasion israélienne ? La réponse est oui. Nasser en situation défavorable sur le plan militaire, défie la dissuasion israélienne et se précipite vers l’affrontement.


Le coup de force de Sharon

Du côté israélien, la crise de mai-juin 1967, représente un échec colossal de la naissante dissuasion israélienne[11]. Les éléments et les informations informelles véhiculées permettent de dire que durant les dernières semaines du mois de mai 1967, où la crise atteint son paroxysme, les Israéliens qui viennent de produire leur première bombe atomique, tirent la conclusion suivante : Nasser n’est pas dissuadé. Le raïs est au contraire en phase de préparer une attaque pour détruire le réacteur de Dimona. Tel-Aviv sent la menace et se défend en attaquant. Les Israéliens mènent alors leur première guerre préventive pour arrêter Nasser.

C’est alors qu’Ariel Sharon, songe (d’après son propre aveu formulé en novembre 2004), à un coup de force militaire en 1967. Il pense à contraindre son gouvernement à déclencher la guerre, selon son témoignage publié dans la revue Maarakhot du ministère de la Défense. Sharon envisage que « l’armée prenne le pouvoir pour contraindre le gouvernement à se décider à lancer une attaque préventive contre l’Égypte[12]. »

On savait que l’armée avait exercé une très forte pression sur le gouvernement mais qu’Ariel Sharon ou d’autres généraux aient songé à une espèce de putsch constitue une révélation. « Pour la première fois, j’ai eu alors le sentiment qu’une telle chose pouvait se produire en Israël et serait bien accueillie par la population », confie Sharon au service historique de l’armée, dans un témoignage publié par la revue Maarakhot. « Il ne s’agissait pas pour l’armée de prendre le pouvoir et de diriger le pays mais de décider à la place du pouvoir civil », témoigne Sharon qui fait partie à l’époque de l’État-major et qui commande une division blindée dans le sud d’Israël. « Aucune mesure concrète n’avait été prise en vue d’exécuter un tel plan. » Sharon affirme qu’il en avait parlé avec le chef d’État-major et futur Premier ministre Yitzhak Rabin, qui, selon Sharon, n’aurait pas totalement écarté une telle option. »

La tension entre armée et pouvoir civil atteint son point culminant lors d’une entrevue extrêmement orageuse le 28 mai 1967, au lendemain du survol de l’aviation égyptienne du site de Dimona, entre l’État-major israélien et le Premier ministre travailliste de l’époque Lévy Eshkol. Lors de cette rencontre, que les historiens appellent la révolte des généraux, le général Sharon et d’autres officiers supérieurs exigent qu’Israël déclenche une guerre contre l’Égypte. Ils affirment qu’Israël doit absolument frapper le premier alors que l’Égypte concentre des forces dans le Sinaï et ferme le détroit de Tiran, sur la mer Rouge. Israël considère alors ces actions comme un casus belli. Eshkol résiste un temps en espérant une intervention internationale qui ne vient pas. Finalement, il donne le feu vert à l’attaque le 5 juin 1967. Cette guerre, prévue pour être courte, est l’exécution d’un plan d’attaque israélien conçu deux semaines auparavant, selon le rapport de la CIA daté du 23 mai 1967. Cette guerre devait donc avoir lieu, sinon, note le rapport de la CIA, « Israël allait être dans une situation “difficile ».
  • (…) Israeli planning is based on a short war, conducted by ground forces with air cover. If this assumption should prove wrong, Israel might well be in trouble, since the Arabs' quantitative superiority would come into play[13]”.

Paradoxalement, au lieu d’inhiber la volonté arabe contre toute attaque, l’arme nucléaire israélienne devient au contraire un objet à défier. La dissuasion israélienne, pourtant considérée par Israël comme acquise en 1967, n’empêche pas Sadate de déclencher la guerre en 1973 et ne fait que pousser les Arabes à défier cette dissuasion. Les supposés dissuadés ne le sont pas. Sadate, qui connaît l’existence des armes nucléaires de Tel-Aviv, ferme les yeux et passe à l’offensive après avoir tenté une série d’attaques limitées en 1971 et en 1972. En optant pour l’usage de la force, il met à mal toutes les conceptions d’une dissuasion nucléaire considérée comme fiable et crédible. L’échec de la dissuasion mène à la paix. Sadate se rend en Israël et prononce un discours à la Knesset. Les accords de Camp David entre Égyptiens et Israéliens sont signés en septembre 1978. Suite à ces accords, Israël restitue le Sinaï à l’Egypte. Ces arguments justifient-t-ils la pensée selon laquelle : heureusement qu’il y a eu échec de la dissuasion ? 

>> Deuxième volet: Le plan d’attaque de Nasser est retardé (06/06/2007)



Mohamed Abdel Azim*
Lyon (France)

 


*Mohamed Abdel Azim est docteur en Science politique, journaliste à EuroNews il est l’auteur du livre : Israël et la bombe atomique, la face cachée de la politique américaine, Paris, l’Harmattan, 2006.


Notes:
[1] À l'issue de la Guerre, le Conseil de sécurité de l'ONU adopte, le 22 novembre 1967, la résolution numéro 242. Cette résolution réclame la fin immédiate de l'occupation militaire. 
[2] Memorandum for the Record, Record of National Security Council Meeting, May 24 1967, Discussion of Middle East Crisis. Source : Lyndon B. Johnson Presidential Library.
[3] Prewar Crisis, Meeting on the Arab-Israeli Crisis, May 26, 1:30 p.m. Washington, May 26, 1967. /Source: Johnson Library, National Security File.
[4] Telegram From the Embassy in Israel to the Department of State. Tel Aviv, May 27, 1967. Source: Johnson Library, National Security File.
[5] Telegram From the Department of State to the Embassy in the Soviet Union, Washington, May 23, 1967. Source: National Security Archive.
[6] Avner Cohen, “And then there was one”, Bulletin of the American Scientists, Vol. 54, No. 5, septembre-octobre 1998.
[7] Memorandum From the President's Special Assistant (Rostow) to President Johnson. Washington, May 17, 1967. Source: Johnson Library, National Security File.
[8] Memorandum From the President's Special Assistant (Rostow) to President Johnson. SUBJECT: Urgent Message to Eshkol, Washington, May 17, 1967. Source: Johnson Library, National Security File.
[9] President's Daily Brief, Washington, May 15, 1967. Source: Johnson Library, National Security File, NSC Histories, Middle East Crisis, Vol. 6, Appendix A.
[10] (GOI) Government of Israel.
[11] Richard Parker, The politics of Miscalculation in the Middle East, Indianapolis, Indiana University Press, 1993, 293 pages.
[12] Isabella Ginor, “How the USSR planned to destroy Israel in 1967”, Middle East Review of International Affairs, Vol. 7, N. 3, septembre 2003.
[13] Zeev Maoz, “The Mixed Blessing of Israel’s Nuclear Policy”, International Security, Vol. 28, N. 2, fin 2003 (p. 53).
[14] “Sharon Considered 1967 Coup to Force war with Egypt”, The Daily Telegraph, London, 17 novembre 2004.
[15]Memorandum Prepared in the Central Intelligence Agency. Overall Arab and Israeli Military Capabilities.  Washington, May 23, 1967. Source: Johnson Library, National Security File.


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