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 Dossier sur la guerre des Six jours (1967)

     
     

 

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La guerre des Six jours (2): le plan d’attaque de Nasser est retardé PDF Print E-mail
Written by Mohamed Abdel Azim   
Wednesday, 06 June 2007

Image Il y a 40 ans, le 5 juin 1967,  la troisième guerre israélo-arabe est déclenchée par l’armée israélienne. Ce troisième conflit israélo-arabe est la première guerre préventive de l’histoire militaire régionale. Elle change la carte géographique régionale ainsi que les rapports entre Arabes et Israéliens. Un dossier en 5 volets proposé par Mohamed Abdel Azim*

Deuxième volet: Le plan d’attaque de Nasser est retardé
A un mois du déclenchement de la guerre des Six jours, la discrétion qui entoure le réacteur nucléaire israélien ne l’a pas épargné des regards indiscrets des Égyptiens. En ce mois de mai 1967, un premier avion Mig-21 égyptien survole le site. Il est abattu alors que les Israéliens commencent la production de leur première bombe nucléaire. La vraie nature de la centrale semble échapper au monde entier et surtout aux Américains mais pas aux yeux des Égyptiens. Nasser met tout en oeuvre pour arrêter le réacteur et détruire la centrale le cas échéant.


Opération de l’aube
ImageAutour du 26-27 mai 1967, une opération d’attaque limitée est préparée par les Égyptiens en coordination avec les Syriens afin de frapper le réacteur dans le désert de Néguev. Appelée opération de l’aube, elle devait avoir lieu entre le 28 et le 30 mai 1967. Une intervention soviétique de la dernière minute aurait abouti à l’annulation de l’opération et à l’arrêt de l’exécution du plan d’attaque[1]. Les raisons exactes de cette intervention ne sont pas connues et ne les seront peut-être jamais. Ce secret restera au même niveau que les mystérieux vrais-faux rapports soviétiques incitant Nasser à intervenir militairement afin de mettre fin à la menace d’attaque israélienne du côté de la frontière syrienne.

Les Israéliens produisent alors entre 2 à 3 têtes nucléaires par an. A cette époque, on sait que des missiles Jéricho sont placées en direction de Moscou. En effet, les Israéliens possèdent alors un nombre non comptabilisé de missiles Jéricho-I, selon un programme appelé projet 700. Ces missiles sont opérationnels depuis le milieu des année 60, et sont capables de toucher des cibles au sud de l’URSS, telles que la ville de Tbilissi en Géorgie près des champs pétroliers, ou encore de la ville de Bakou sur la côte de la mer Caspienne. Tel-Aviv détient aussi des avions F-4 achetés aux américains et susceptibles de servir de vecteurs pour des têtes nucléaires. Ils sont stationnés dans des sites souterrains à la base aérienne de Tel Nof près de Rihovot. Ces avions F-4 sont pilotés par les élites de la force aérienne israélienne et peuvent voler sans ravitaillement jusqu’à Moscou[2].


Dissuader Moscou ?
Rappelons que douze ans auparavant et lors du 2ème conflit entre l’Egypte et Israël en 1956, Moscou exige le retrait des troupes israéliennes du Sinaï et l’évacuation de toute la zone occupée par l’armée israélienne, notamment celle du canal. La menace nucléaire de Moscou envers Paris et Londres ainsi que la pression et la menace voilée envers Tel-Aviv ne font que renforcer la détermination israélienne de neutraliser le poids du Kremlin lors de tout conflit futur. Israël sort donc du conflit de Suez en 1956, avec la conviction que face à une menace soviétique et de nature nucléaire, l’acquisition de l’arme atomique est plus que jamais indispensable. La priorité israélienne n’est alors pas de dissuader Nasser, mais surtout de dissuader Moscou.

En 1956, la menace soviétique comporte des messages envoyés à Paris, à Londres et à Tel-Aviv. Ces messages signés par le Premier ministre soviétique Nikolai Boulganine[3], menacent explicitement Ben Gourion d’attaquer des cibles en Israël avec des armes modernes et puissantes[4]. Les Nations unies appellent alors à un cessez-le-feu et à l’arrêt du plan de l’armée israélienne. Cette dernière, sous le commandement du général Sharon, prévoyait de traverser le canal et d’aller jusqu’au Caire[5]. La crise touche à sa fin lorsque, face à la menace soviétique, Washington intervient et oblige Israël à évacuer le Sinaï et la zone du canal de Suez[6].

Malgré une victoire sans équivalent dans l’histoire militaire de la région, la guerre se solde par un désastre politique pour Israël[7]. Nasser renforce son assise politique lorsque Tel-Aviv retire ses troupes et lorsque les deux puissances coloniales cèdent leur place aux Américains et aux Soviétiques. Quant aux Israéliens, la leçon est la suivante : une arme nucléaire israélienne fera taire Moscou lors d’un conflit futur. C’est peut-être là que réside la raison de la volonté soviétique du déclenchement de la guerre avec un soutien logistique au Caire. Est-ce une explication des mystérieux rapports envoyés par Moscou au Caire via Damas ?


Les rapports soviétiques
Le 24 mai 1967, (11 jours avant la guerre des Six jours), la dernière ligne du 4ème paragraphe, note que le Secrétaire américain à la Défense McNamara pense que Moscou pouvait même fournir à l’Egypte des avions pilotés par des soldats soviétiques[8]. Parallèlement, les mystérieux rapports sont envoyés de Damas au Caire, selon lesquels les Israéliens massent des troupes tout au long des frontières syrienne. Ils incitent Nasser à mener des opérations militaires. Washington est formel et notifie aux Égyptiens que les Syriens leur donnent des rapports erronés sur la situation du front israélo-syrien. Les Américains ne parviennent pas à freiner Nasser. Washington se tourne alors vers Tel-Aviv et appelle à la retenue en demandant aux Israéliens de ne pas jeter de l’huile sur le feu[9]. Y a-t-il un rapport entre l’entrée en service de la centrale nucléaire de Dimona, la production des premières bombes atomiques israéliennes et les vrais-faux rapports soviétiques envoyés par Damas au Caire ?
Au Caire, Nasser n’est pas convaincu par les assurances de Washington. Il n’est pas dissuadé par la supériorité militaire israélienne. Le 25 mai 1967, le raïs, fait confiance aux rapports soviétiques et se prépare pour mener l’opération d’offensive quelques jours après. Il sait que Dimona entre dans sa phase de production, prépare ses forces et place ses troupes tout au long du canal. L’armée de l’air côté égyptien est prête pour une première frappe. Les fronts syrien et jordanien sont eux aussi en alerte maximum. On s’achemine vers la guerre et c’est la crise. Entre Egyptiens et Israéliens, la question est de savoir qui va dégainer le premier.

La FAS, citant William Burrows, Robert Windrem et Critical Mass, souligne qu’à cette date,  Israël, possède déjà deux bombes prêtes à l’usage durant la guerre de 1967. C’est Moshé Dayan qui donne le feu vert, marquant le début de la production des armes nucléaires à Dimona[10]. Au même moment, des rapports d’intelligence de la CIA, allant dans ce sens, sont disponibles à Washington. Des rapports égyptiens parallèles sont aussi disponibles au Caire. La FAS (Federation of American Scientists), rapporte que le Premier ministre Levi Eshkol, avant la guerre, ordonne une alerte nucléaire durant toute la période des opérations militaires.

D’après Michael Brecher, le départ des casques bleus des Nations unies, les mouvements de troupes le long du canal de Suez, ainsi que le survol de Dimona, sont les facteurs qui ont conduit à la guerre. Tel-Aviv fait savoir sa volonté d’arrêter Nasser avant qu’il mène une attaque contre les installations nucléaires à Dimona[11]. Le lendemain du survol de l’aviation égyptienne du site, Tel-Aviv ne cache plus sa volonté de se défendre. Devant l’escalade vers la guerre, le Président Johnson envoie une lettre au Premier ministre Eshkol lui demandant de ne pas mener une guerre contre les Arabes[12].


La supériorité ne fait pas le poids
Les mouvements de troupes le long du canal de Suez, ainsi que l’escalade continuelle qui pousse Israël à lancer son attaque préventive est le signe sans conteste que sa doctrine de dissuasion semble déjà, dès sa naissance, être un échec. Les raisons d’une telle conclusion sont multiples. Nasser qui se trouve dans une situation militairement défavorable, vise à défier l’arsenal israélien et veut coûte que coûte arrêter son programme nucléaire.

On dispose à Washington d'un rapport militaire, daté du 1er mai 1967, selon lequel les Israéliens ont une supériorité incontestable pour les cinq années à venir[13]. Deux semaines avant la guerre, dans son rapport, daté du 23 mai 1967 et intitulé Overall Arab and Israeli Military Capabilities, la CIA parle d’une supériorité militaire israélienne dans tous les domaines[14]. Selon ces données, Nasser n’a pas la possibilité de faire face aux forces militaires israéliennes. Mais sa volonté d’entreprendre des actions militaires dans ces conditions est le signe de l’échec de la naissante dissuasion israélienne.

À Washington, on craint alors que l’Union soviétique n’étende son influence dans la région, en utilisant l’opportunité offerte par Nasser[15]. Ces informations suivent une série de déclarations publiques de la part du Président Nasser destinées à l’Occident. Le raïs souligne que l’Égypte ne restera pas les bras croisés et que le Caire agirait avec force. Il fait alors savoir que si Israël développait des armes nucléaires, l’Égypte n’aurait d’autres choix que de mener une guerre préventive. Pour cela, il faut remonter à 1963, lorsque le président Kennedy tente d’apaiser les tensions autour des armes nucléaires israéliennes.


Vers la guerre d’usure
A la suite de cette guerre, le Caire aurait préparé un autre plan d’attaque contre le site de Dimona. Ce plan est présenté à Nasser, mais le raïs aurait retardé de nouveau son exécution car les estimations disponibles au Caire prévoient qu’Israël n’aura la bombe que vers la fin 1968. Le raïs veut surtout, dans l’immédiat, regagner les terres arabes avant que les Israéliens ne possèdent l’arme nucléaire, comme le note Martin Van Creveld[16]. De son côté, Shlomo Aronson[17] pense qu’un lien direct existe entre l’entrée en fonction de la centrale de Dimona et le déclenchement de la guerre.

Un an plus tard, en 1968, Nasser déclenche une autre guerre : la guerre d’usure. Cette guerre (war of attrition), est celle qui illustre le mieux la confirmation du cuisant échec de la dissuasion israélienne. Car, suite à la guerre des Six jours de 1967, l’Égypte perd le Sinaï, le canal de Suez est fermé à la navigation et l’armée israélienne se trouve du côté oriental du canal. Nasser, qui subit une défaite militaire sans précédent, décide alors de maintenir un état de tension militaire tout au long du canal. Cet état de tension permanent commence en février 1969 et se termine en août 1970, lorsque les Israéliens acceptent un cessez-le-feu[18].

Le Kremlin s’engage à moderniser et à entraîner les militaires égyptiens. Un nouvel arsenal made in Moscou commence à perturber la balance militaire entre le Caire et Tel-Aviv. La guerre d’usure se poursuit et donne lieu à des tensions dans les relations israélo-soviétiques. Cette tension s’aggrave lorsqu’en juillet 1970, quatre avions de combats pilotés par des pilotes soviétiques sont abattus à environ 30km à l’ouest du canal, par l’armée israélienne. Pour éviter une riposte soviétique et un éventuel manque de soutien de Washington, les Israéliens acceptent, en août 1970, un cessez-le-feu et l’application de la résolution 242. Cette résolution restera lettre morte.


Back to the futur
Pour comprendre les racines de la guerre des Six jours, il faut remonter à quelques années auparavant durant lesquelles il y a eu des tractations secrètes entre Washington, le Caire et Tel-Aviv. Ces tractations commencent en 1963, sur fond d’armement soviétiqe aux Egyptiens. Pour dissiper ces tensions, Washington envoie une mission dans la région. Cette mission McCloy tente à deux reprises de trouver une solution. Comment cette mission est vue par le Caire ? Donnera t-elle des résultats ? C’est ce que nous allons voir par la suite dans un article consacré aux  sources de tensions entre Tel-Aviv et le Caire de 1963 à 1966 .

>> Troisième volet: 
Les sources de tension (07/06/2006)


Mohamed Abdel Azim*
Lyon (France)


>> Premier volet du dossier: Des questions sans réponses (05/06/2007) 

Image*Mohamed Abdel Azim est docteur en Science politique, journaliste à EuroNews il est l’auteur du livre : Israël et la bombe atomique, la face cachée de la politique américaine, Paris, l’Harmattan, 2006.



Notes:
[1] Michael B. Oren, Six Days of War: June 1967 and the making of The Modern Middle East, New York, Oxford University Press, 2002.
[2] Seymour Hersh, The samson Option, New York, Random House, 1991, (p. 216).
[3] Matti Golan, Shimon Peres, New York, St Martin’s Press, 1982.
[4] “Soviet Protests Canal Blockade”, New York Times, 5 novembre 1956.
[5] General Assembly A/RES/999 (ES-I)4, november 1956. Resolution 999 (ES-I). Source : United Nations Security Council.
[6] Message to Prime Minister Ben Gurion Urging Withdrawal of Israeli Forces in Egypt, Released November 8, 1956. Dated November 7, 1956. The State Department Bulletin, Vol. 35, p. 798. Source : Public Papers of the Presidents, Dwight D. Eisenhower, 1956, N. 295.
[7] Avner Cohen, “Most Favored Nation”, The Bulletin of Atomic Scientists, January/February, 1995 Vol. 51, No. 1, 1995.
[8] Memorandum for the Record, Council Meeting, May 24 1967, Discussion of Middle East Crisis. Source : Lyndon B. Johnson Presidential Library.
[9] Memorandum From the President's Special Assistant (Rostow) to President Johnson. Prewar Crisis, May 15 1967. Source : Johnson Library.
[10] Seymour Hersh, The samson Option, New York, Random House, 1991, 354 pages.
[11] Michael Brecher, Decision in Crisis. Israel, 1967 and 1973, Barkley, California, University of California Press, 1980 (pp. 104, 230-231).
[12] Telegram From the Department of State to the Embassy in Israel. Washington, May 17, 1967. Foreign Relations, 1964-1968, Volume XIX.
[13] Memorandum From the Under Secretary of State (Katzenbach) to President Johnson. Subject : The Arab-Israel Arms Race and Status of U.S. Arms Control Efforts
[14] Memorandum Prepared in the Central Intelligence Agency : Overall Arab and Israeli Military Capabilities. Washington, May 23, 1967. Foreign Relations, Source : Johnson Library, National Security File.
[15] Intelligence Memorandum Prepared in the Central Intelligence Agency. Egyptian-Soviet Relations, FRUS, 1964-1968, Volume XVIII Arab-Israeli Dispute, 1964-67 N. 295, Source : Johnson Library.
[16] Martin van Creveld, The Sword and the Olive. A Critical History of the Israeli Defense Force, New York, Public Affairs, 1998 (p. 174).
[17] Shlomo Aronson, Oded Brosh, The Politics and Strategy of Nuclear Weapons in the Middle East, Opacity, Theory and Reality, 1960-1991, An Israeli Perspective, State University of New York Press, 1991, 398 pages.
[18] Army Area Handbook, UM-St. Louis Libraries, DB Rec- 94,134 Dataset-ARMAN. Source : U.S. Department of the Army, Chapitre 1.07, 1967, date of record: 22 février 1994.
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