Newropeans Magazine

 

L’Europe veut-elle la démocratie dans le monde arabe?

 II : Qui souhaite des réformes démocratiques?

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Written by Mohamed Abdel Azim   
Tuesday, 20 March 2007

 

ImageQui souhaite des réformes démocratiques dans le monde arabe ? L'UE et le Caire concluent, le 6 mars, un accord en vertu duquel l'UE versera 558 millions d'euros d'aides à l'Égypte pour y encourager des réformes politiques, économiques et sociales. Un "plan" qui doit servir à catalyser le changement. Mais y a-t-il des réformes démocratiques en Égypte ?

(L’Europe veut-elle la démocratie dans le monde arabe ? 2ème partie)
ImageL'Union européenne et le Caire concluent, le 6 mars, un accord en vertu duquel l'UE versera 558 millions d'euros d'aides à l'Égypte pour y encourager des réformes politiques, économiques et sociales. La commissaire européenne aux Relations extérieures, Benita Ferrero-Waldner, estime que « ce plan », qui a été négocié pendant 18 mois, « doit catalyser le changement et permettre aux deux parties d'approfondir leurs relations. » Y a-t-il des réformes démocratiques en Egypte ?

Ces aides arrivent alors que le Caire s’apprête a vivre l’adoption des reformes les plus dures et les plus restrictives de la liberté individuelles comme jamais auparavant. Ce pays vit sous une loi d’urgence depuis l’assassinat du président Sadate en 1981. La modification de 34 articles de la constitution est en cours d’adoption. Demandées par le président Moubarak en décembre 2006, ces modifications sont dénoncées par l’opposition affaiblie et quasi inexistante. Elles prive chaque citoyen des garanties constitutionnelles, le prive de sa liberté individuelle et ouvre la voie devant la garde à vue, la perquisition et l’emprisonnement par les seuls service de police et loin de tout contrôle judiciaire.  « La reforme du seul l’article 179, ouvre la voie devant un Etat policier », écrivent les quatre partis de l’opposition dans leurs appel au refus de ces réformes. Ils considèrent  que ces réformes introduisent un climat policier permettant d’ouvrir les courriers, d’intercepter des communications électroniques ou par fax, ainsi que de recourir aux écoutes téléphoniques allant jusqu’à introduire des civils devant des tribunaux militaires.
Depuis deux ans, le régime égyptien est confronté à une vague de protestations sans précédent. Les mouvements de protestation n’arrivent pas à se faire entendre, comme la protestation de l'opposition ou les protestations des juges. Le rapport entre le pouvoir et ces deux pôles est de plus en plus tendu. La situation s’est compliquée lorsque deux magistrats, sur fond d'intimidation, sont accusés et introduits devant la justice. L’affaire remonte aux élections présidentielles et législatives en 2005, depuis lesquelles on parle de trucage.

La grogne gagne du terrain et se heurte à un durcissement de ton de la part des services de sécurité. La répression prend le dessus et l’affrontement monte d’un cran. L’opposition égyptienne est fragilisée. Elle n’arrive pas à s’imposer car elle est largement dispersée et divisée. De plus, le régime au pouvoir, soutenu par Washington, maîtrise l’art du bâton et de la carotte envers les forces qui l’opposent avec  des pratiques non démocratiques basées sur l’oppression comme le montre la télévision danoise dans un reportage diffusé le 7 mars 2007. Signé par le grand reporter Steffen Kretz, ce document rare est consacré aux droits de l’homme et à la pratique de la torture en Égypte.

L’art du bâton et de la carotte cache la pratique de l’oppression. C’est d’abord le cas envers le journaliste et opposant Ayman Nour. Il est accusé d'avoir falsifié des documents pour la création de son parti El-Ghad. Il est détenu durant six semaines et relâché avant la tenue des premières élections présidentielles multipartite dans le pays. Il mène la campagne électorale et termine en seconde position lors des l'élections présidentielles derrière Hosni Moubarak. Nour est par la suite condamné en décembre 2005. Il dénonce un “verdict politique” et  fait appel. Nour voit son pourvoi en cassation rejeté. Il reste en prison ferme pour 5 ans et est privé de ses droits civiques. Cette décision reçoit de vives critiques de la part des États-Unis qui la qualifient d' « erreur judiciaire. » 

 L’art du bâton et de la carotte est aussi pratiqué envers les manifestations tenues par les forces de changement. Ces dernières bénéficient, provisoirement et avant les élections en 2005, d'une tolérance hors de commun de la part des services de sécurité. Les services d’ordre, qui n'autorisaient aucune forme de protestation ou de rassemblement contre le régime, se montrent tolérants envers les manifestants. Ce climat fait naître une impression d'un vent de démocratie.

Contrairement au passé, le début de l'année 2005, voit une accélération des manifestations dans les rues du Caire contre le régime de Moubarak. D'abord par le mouvement Kefaya (assez), doublé par les mouvements qui prônent le changement, puis par ceux qui demandent la libération de Ayman Nour de sa prison.

Cette situation nouvelle dure quelques mois jusqu'à la fin des élections. La pratique de la fraude massive et l'absence d’observateurs dans les  bureaux de vote provoquent une confrontation sans équivalent entre le régime et les juges qui dénoncent ces pratiques. Les protestations se multiplient et dès la fin des élections législatives, les manifestations sont de nouveau réprimées. Depuis que les juges se montrent critiques envers les pratiques du régime au pouvoir, la grogne prend une dimension particulière que certains appellent la révolte de juges.

« Adieu donc  aux vraies réformes», écrit  le politologue Mohammed al-Sayed Saïd, dans le journal gouvernemental Al-Ahram du 18 mai 2006. La « crise des juges », écrit-il, « a discrédité un régime dont la politique répressive, illustrée par la prolongation, le mois dernier, de l'état d'urgence en vigueur depuis 1981, n'a mis fin ni au terrorisme, ni aux affrontements interconfessionnels, illustrations  de la déliquescence de la société égyptienne. » écrit Saïd. « Cela signifie que la philosophie politique de Moubarak, appliquée pendant un quart de siècle, n'a pas porté ses fruits. L'Égypte est revenue à la case départ, c'est-à-dire aux grands défis qu'elle affronte depuis le milieu des années 70 » écrit Le Figaro, dans son édition du 19 mai 2006.

Mohamed Abdel Azim
Lyon (France)

L’Europe veut-elle la démocratie dans le monde arabe ? 1ère partie

*Mohamed Abdel Azim est docteur en Science politique, journaliste à EuroNews il est l’auteur du livre : Israël et la bombe atomique, la face cachée de la politique américaine, Paris, l’Harmattan, 2006.

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