La perception de la menace Mohamed Abdel Azim Journaliste
Washington | La fatalité de la prolifération | La perception de la menace | |||
Perception de la menace nucléaireLa
démarche visant à comprendre la perception américaine de la chose
nucléaire, nous mène à poser la question suivante : quelle est
la nature dont sont faites les politiques américaines ? La réponse
à cette question apportera des éléments de réponse concernant le comment
Washington perçoit sa puissance et comment les administrations
agissent en conséquence. Washington considère que la dissuasion est
un succès et son échec relève de l’ordre de l’impensable. Mais
le regard en retro de la politique américaine montre que Washington
est passé à une troisième phase dans l’évolution de sa politique
envers la chose nucléaire. Les Etats-Unis qui échouent dans leur
première phase : une politique anti-prolifération. Washington
se trouvent, dans sa deuxième phase de persuasion, confronté à la
difficulté de la doctrine de dissuasion. L’administration Bush
accélère le rythme et passe à la troisième phase : la
Défense contre des menaces grandissantes. Washington, après la vague
extensionnelle globale par l’opposition à la prolifération, sa
vision de dissuasion rationnelle, issue de la guerre froide, se stagne
avant de se rétrécir et se confiner dans sa tendance défensive. La
politique globale de Washington montre que le raisonnement américain
s’appuie sur une logique de linéarité Dans
cette logique qui voit les choses en noir ou blanc, A mène
systématiquement à B. Or, depuis les années 60 du siècle dernier
ce n’est pas le cas et il y a des nuances et même de toutes les
couleurs.
Washington
passe d’abord par la conception d’un traité de non-prolifération
en 1968. Cette norme devait mettre fin, selon la linéarité
washingtonienne, à toute initiative de prolifération nucléaire.
L’histoire prouve le contraire et cette politique échoue dans son
objectif de contrer la prolifération. Cette phase montre ses limites
car Washington au lieu d’ouvrir grand les yeux
a joué le rôle de l’œil fermé sur le programme nucléaire
israélien et indien. Les faiblesses de la conception d’une norme
internationale contre la prolifération ont aboutit à
l’irréversible prolifération. Entre 1970 et 2000 le monde passe de
6 à 7 et puis à 8 puissances. Depuis octobre 2006, le nombre est
passé à neuf sur l’échelle ouverte de la prolifération. Le
raisonnement américain, qui ne prend pas en compte la circularité
du jeu d’interaction, aboutit à sa confiance parfaite dans la
conception d’une politique basée sur la dissuasion dite
rationnelle. Après le Pakistan, en 1998, cette conception montre à
son tour des faiblesse et a même poussé certains acteurs étatiques
à défier et challenger cette orientation comme les Nord-Coréens Kim
Il-Sung puis Kim Jong-Il, l’irakien Saddam Hussein ou encore
l’iranien Ahmadinejad[1].
La
peur de Washington de la menace modifie encore la perception
américaine de celle-ci. La réalité est que la prolifération est en
marche alors que la conception linéaire de Washington prend de plus
en plus du retard pour contrer la prolifération nucléaire. La
deuxième réalité concerne la dissuasion. Cette politique est
souvent à l’origine des scénarios préétablis qui n’accordent
pas d’importance aux facteurs ou aux variables qui régissent les
situations lors de la réalisation. Ces scénarios sont mis à
exécution et suivis sans être révisés si la situation
l’exigeait. Avec cette linéarité, lorsque Washington met en place
le scénario de chute de Saddam Hussein ne prend pas en considération
les conséquences de cette chute dans une région qui se définit par
sa particularité. La puissante Amérique peine à rétablir l’ordre
en Irak et encore moins en Afghanistan. La dissuasion ne fonctionne
pas et les combattants armés à Bagdad et à Kaboul donnent
l’exemple à d’autres groupes armés comme le Hamas palestinien ou
le Hezbollah libanais. Ce scénario de linéarité qui échoue à
dissuader la Corée du Nord et échoue face à la question du
programme nucléaire iranienne.
De
la non prolifération à la persuasion Au
début des années 1960, à Washington règne la peur de voir, à
l’horizon 1975, le monde passer de 4 à 15, voire 20 puissances
nucléaires[2].
La technologie et la connaissance en matière nucléaire sont devenues
de plus en plus disponibles. Elles sont moins chères et donc
abordables. Avec le test nucléaire nord-coréen l’optimisme
américain affiché envers le succès de la dissuasion et de la
non-prolifération encaisse un coup dur. L’aspiration à la puissance
par la dissuasion de la part des pays comme la Corée du Nord, fait
diminuer les espoirs de la non-prolifération voulu par Washington. Les
Etats-Unis qui doivent se plier à la réalité de la fatalité de la
prolifération se préparent à vivre dans un monde à 10 puissances
nucléaires, voire plus, dont sept puissances en continent asiatique.
L’échec de Washington de persuader les Nord-coréens de renoncer à
la bombe, se transformera-t-il en un succès de la prolifération ? Les
armes nucléaires de la Corée du Nord ne sont pas le premier dossier de
prolifération nucléaire face auquel se trouve confronté une
administration américaine. Il ne sera certainement pas le dernier.
Depuis les années 50, Washington a du faire face à des différents
scénarios et avait, pour chaque cas, toujours trouvé des arrangements
avec le nucléaire sans vraiment mettre fin à la prolifération des
armes nucléaires. En 50 ans le monde est passé de 5 à 9 puissances.
D’autres candidats frappent à la porte. Durant des décennies la
position de Washington avait été pour le moins flou et manque
drastiquement de clarté. C’est le cas envers le dossier israélien,
indien, pakistanais ou encore nord coréen. La
perception de la menace par les Etats-Unis façonne leurs approche à
chacun de ces dossiers selon une classification du monde entre deux
parties : une partie amie et une autre ennemie. Face à la menace,
Washington navigue entre des conceptions théoriques de la dissuasion
basées essentiellement sur des effets d’annonce sans jamais vraiment
définir clairement l’orientation de leurs stratégies. C’est le cas
du nouvel ordre mondial de Bush père ou encore l’axe du mal du Bush
junior puis le Grand Moyen-Orient en passant par le nouveau
Moyen-Orient. Les Etats-Unis qui oscillent entre le langage de la menace
et la diplomatie n’a toujours pas définie une ligne claire pour
contrer la prolifération. C’est le cas en ce qui concerne le dossier
iranien. Mais vis-à-vis du dossier nord-coréen et depuis 1994,
Washington oscille entre choix de diplomatie et ligne dure envers
Pyongyang. Depuis 2003, lorsque la Corée du Nord décide de sortir du
TNP, les dilemmes semblent être sérieux et les issues sont limitées.
La prolifération nucléaire est en marche. Avec une stratégie de
défie, les non-dissuadables (Nord-Coréens et Iraniens) sont là pour
challenger Washington. Les administrations américaines semblent
échouer dans leurs politiques contre la prolifération. Washington va
d’un échec vers l’autre. En plus de l’échec de leurs multiples
politiques de non-prolifération suivies durant des décennies, les
Américains sont confrontés à l’échec de leur politique de
dissuasion. Ils sont aussi confrontés à un affaiblissement dans leurs
capacité de gestion des crises majeures ou des conflits comme en Irak
ou en Afghanistan. Ces échecs poussent les Etats-Unis à aller vers sa
politique de Défense. |
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