Ostrogorski                                                                                                     La démocratie et l'oligarchie                                                        

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Moisei Yakovlevic Ostrogorski     1854-1919

  " La nature de l'étude que j'ai entreprise a fait que la plus grande partie de ses éléments a dû être recueillie dans la vie et non pas dans les bibliothèques. Les travaux d'ensemble sur le sujet, l'organisation des partis politiques, manquaient complètement et attendaient encore la mise en oeuvre scientifique ". En 1902, Ostrogorski se désigne comme un homme scientifique. Dans son avant propos en mars 1902, il souligne le besoin d'une science politique nouvelle à un monde tout nouveau, en empruntant les propos de Tocqueville dans "De la démocrratie en Amérique". Ostrogorski entend étudier dans son ouvrage, le fonctionnement du gouvernement démocratique. Ce ne sont pas les institutions, ni les formes politiques qui sont l'objet de son livre; il s'intéresse aux forces politiques, selon ses propres termes. L'avènement de la démocratie pose le problème de son organisation, note Ostrogorskii, qui met un quart de siècle pour étudier les partis politiques en Grande Bretagne et aux Etats-Unis d'Amérique.

Moisei Yakovlevich Ostrogorski, est un russe, né en 1854, à Sermatiez, district de Bielsk, ouvernement de Grondo, ( Russie). Décédé en 1919, on a pratiquement pas eu de nouvelles de lui à partir de 1916/1917. Son livre n'a jamais paru en russe. On peut supposer qu'Ostrogorski a vécu en grandeur nature et de façon concrète ses craintes devenir réalité: la conquête du pouvoir par une organisation politique professionnelle, avec une idéologie quasi-jacobine. Dès son jeune âge, Moisei est doté d'une intelligence remarquable. Il suit des études de droit à Saint Pétersbourg. Celles-ci le conduisent à rejoindre les rangs de l'Administration Civile Russe en 1875, puis le Ministère de la Justice. Il y travaille pendant quelques années, et devient chef du service législatif. 

De famille juive il quitte son pays en 1881, année de l'assassinat du Tsar Alexandre II, suite à la vague antisémite qui sévit en Russie. A l'âge de 26 ans, il s'installe à Paris. Deux ans après, en 1883, il s'inscrit à l'Ecole Libre de Science Politique, alors récemment créee, et devient élève d'Emile Boutmy. En 1885, il obtient un diplôme assorti de la mention la plus élevée.Après s'être rapidement initié aux développements récents des sciences sociales occidentales, il aborde les problèmes posés par l'avènement de la démocratie. Il travaillealors sur " les origines du suffrage universel " pour sa thèse de doctorat, puis sur " La femme en droit public ". En 1892, il est couronné par la faculté de Droit de Paris. Dix ans plus tard, il nous livre son unique et grande ouvrage " La démocratie et les partis politiques".

Ostrogorski rentre en Russie en 1904. La revolte de 1905 prend de l'ampleur et les élections pour la première Douma ont lieu un an plus tard. Il est élu en tant que représentant à la première Douma en 1906. Ostrogorski se révèle peu disposé à accepter un engagement unique. N'étant pas un social-démocrate, il refuse de rejoindre les rangs du Bund juif et il s'oppose avec véhémence à l'établissement d'un groupe parlementaire formé des représentants juifs à la Douma. G. Ionescu, 1986. Ce parlement est dissout durant sa présence à Londres,  parmi une délégation qui participe à une conférence interparlementaire.  A Londrer, Ostrogorski dit " la Douma est morte, vive la Douma". C'est son seul rôle politique qu'il aura occupé durant sa carrière.

En 1910, il effectue un voyage aux Etats-Unis pour la deuxième édition de son livre. En 1916, il refuse une chaire à l'Université de Cleveland et rentre en Russie. Depuis cette date, on n'a plus de trace de lui. La révolution Bolchevique a lieu un an plus tard, en 1917. On ne sait pas quel rôle il y a joué, ni sa vision de cet événement majeur dans l'hisoire russe.

Ostrogorski, Weber et Michels

Weber en 1918, à l'Université de Munich, participe à une conférence sur la politique comme vacation. Il ne fait aucune allusion au livre de Robert Michels, publié en 1911. Weber, par ailleurs, invite les participants à "envisager l'influence de la forme plébiscitaire telle que l'a décrite Ostrogorski". Il inclue, par la suite, dans le texte de sa conférence, un précis de huit pages basé sur l'étude d'Ostrogorski sur les partis politiques.

G. Ionescou 1986, note que R. Michels, dans son livre " les partis politiques", constate que le domaine des partis politiques est " à peine effleuré".   G. Ionescu  pose la question sur les travaux antérieurs d'Ostrogorski. G. Ionescu note que Michels, dans la seconde édition de son livre parue après la mort de Weber, donne une lamentable explication, ajoute Ionescou, Michels déclare que, bien que son livre est dédié à Weber, il considère que la façon dont Weber traite les partis politiques dans Wirtschaft und Gesellschaft ( économie et société) était trop sporadique et trop étroite, pour qu'il tire de l'oeuvre quoi que ce soit. Quant à Ostrogorski, Michels ne fait pas de référence à son ouvrage paru une décennie plus tôt.  Selon G. Ionescu, 1986,  l'Eureka de Michels " Loi de fer de l'oligarchie" ou plutôt   " qui dit organisation dit oligarchie " font partie des analyses d'Ostrogorski.

Ainsi, Pierre Rosanvallon, 1979, note que l'oeuvre d'Ostrogorski a la réputationd'être un grand livre. Mais aujourd'hui, qui a lu Ostrogorski? Son livre publié au début du siècle ( 1902) est depuis longtemps introuvable. Il n'est plus qu'une référence lointaine dans dans tous les manuels de science politique, tout en reconnaissant pourtant son rôle fondateur.  Pour Rosanvallon, Ostrogorski, n'est ni Tocqueville, ni Lenine, ni Weber. Il est l'homme d'un seul livre. Avec Michels, ils sont tous les deux des marginaux. Au fond Ostrogorski et Michels dérangent, note Pierre Rosanvallon. Ils montrent que la démocratie est un problème beaucoup plus qu'une solution.

Pour Pierre Avril, l'influence la plus remarquable d'Ostrogorski, est certainement celle que l'ouvrage exerce sur Max Weber.  Dans "Le savant et le politique", Weber s'appuie sur la documentation réunie par Ostrogorski, dont le grand ouvrage,  qui au dire de Wolfgang Mommsen,  avait impressionné M. Weber. L'ouvrage d'Ostrogorski a eu une influence considérable, Weber et Michels en Allemagne, Cochin en France, s'en sont directement inspiré, avant qu'un demi-siècle plus tard, Maurice Duverger ne donne un nouveau départ à l'étude des partis politiques, en reconnaissant à Ostrogorski le mérite d'avoir " frayé la voie".  Maurice Duverger, 1969