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L’Iran et les Arabes 

Les deux portes du Moyen-Orient

 

  Par Mohamed Abdel Azim

Revue EurOrient, printemps 2008


Un regard historique peut clarifier les préceptes de liens ou de  divergences qui ont pu donner lieu à l’état actuel dans lequel se trouvent le monde arabe et son voisin iranien. Le Moyen-Orient vit actuellement l’une des périodes les plus instables depuis la Deuxième Guerre mondiale. Dans ces conditions, où l’histoire accélère ses pas, une grille de lecture aide à mieux clarifier les enjeux de la situation de conflictualité durable. Pour cela, je tente de suivre une approche analytique aidant à mieux comprendre l’articulation des relations entre ce monde et son voisin perse et par là même, l’état des lieux de la région du Moyen-Orient.

 Ce regard historique apporte une clarification autour d’un malentendu historique et durable autour du monde arabe. On arrive à connaître les raisons du recours au terme de rupture et non pas celui de l’évolution au sens de graduation d’une pensée politique en ce qui concerne les événements majeurs dans ce monde. Historiquement, il y a eu un état de collapsus continuel dans le monde arabe d’abord “dynastisé” à partir du VIIIème siècle, avant d’être anesthésié depuis le XVe. Ce monde est par la suite envoyé, par les Ottomans, vers la voie la plus étroite de despotisme. Le réveil de ce monde de son long sommeil est difficile[1]. L’absence d’un modèle politique solide dans les pays arabes fragilise sa résistance à la pression externe et aux éléments d’extrémisme internes.

 Pourtant, l’importance de la période qu’a traversé le monde arabe durant le VIIe siècle, allait avoir pour effet de donner à la vie, intellectuelle, culturelle et sociale, un tour particulier. Le VIIIe siècle a donné lieu à une avancée dans de multiples domaines, littéraires, scientifique et philosophique, dont Damas, Bagdad ou le Caire demeuraient les centres incontestés. Si le IXe fut le siècle de la philosophie, le Xe a été celui de la modernisation et de la pensée scientifique arabe. Mais le XIIIe constitue le siècle du déclin dans cette prospérité intellectuelle. Le XIVe est particulièrement marquant. Il est le début d’un repli durable de ce monde sur lui-même.

 Les penseurs arabes qui ont abordé durant des siècles tous les sujets et qui s’interrogeaient sur l’univers, sur ses lois et sur la rationalité, n’ont pas abordé les questions relevant de la philosophie politique. La décadence commence lorsqu’ils concentrent leur attention sur les palais des dynasties.

 Le constat actuel montre que des divisions historiques sont en phase de ressortir à la surface comme jamais auparavant. Elles deviennent aujourd’hui le début d’une ère nouvelle qui risque d’aboutir à un chaos généralisé. Les néo-conservateurs américains peuvent alors ouvrir la boite de pandore de qui contient le croissant sunnite (Egypte, Jordanie, Arabie Saoudite) contre un axe chiite (Iran, Irak, Liban)[2]. Quelles sont donc les raisons et quelle est la visée de l’usage des notions telle que sunnite et chiite ? Afin d’apporter quelques éléments de réponses à ces questions, j'aborde dans un premier temps du point de vue historique, les racines des divisions sunnites/chiites sur fond de rapports entre le monde arabe et l'Iran. Dans un deuxième temps, je tente de développer les raisons historiques de l'action des néo-conservateurs visant à utiliser cette division afin de provoquer un état de chaos régional, basé sur les conceptions de la théorie des catastrophes développée, dès 1970, par René Thom[3].

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[1] Mohamed Abdel Azim, “Allez, Yallah”, Newropeans Magazine, 14 mars 2007.

[2] "Sunnites-chiites : nouvelle guerre ?" , L'Express, 11 janvier 2007.

[3] René Thom, Stabilité structurelle et morphogenèse, essai d'une théorie générale des modèles, 1972.