L'équilibre de la terreur                                                                                        Jacques Vernant, 1987                                                            

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L'équilibre de la terreur chez Jacqus Vernant 

L'  " équilibre de la terreur "  avait empêché et  continuerait à empêcher la guerre entre les puissances, tel est la pensée de Vernant.   La tradition clausewitzienne en Europe est devenue, donc, totalement inutile et la guerre  cessait d'être une quelconque continuation de la politique par d'autre moyens.  Telle est la  pensée lucide  de Jacques Vernant à propos des engins nucléaires, de leurs aspects et de leurs potentialités.     Basil Davidson, 1987.

L'ouvrage

Un ouvrage à partir des recueils d'articles qui traite des différents thèmes en plusieurs parties.  La question examiné dans la première partie est de savoir dans quelle mesure est selon quelle analysez on peut étudier les rapports entre Etats par une méthode scientifique d'une objectivité analogue à celle que la sociologie tente d'appliquer aux différents aspects des rapports sociaux.

Une seconde partie traite les politiques nationales du monde  d'après guerre .  La troisième partie traite  la politique étrangère française à l'age nucléaire, qui a tout changé.  La quatrième partie examine les types de conflits qui, en dépit de leurs violence destructrice, demeurent inscrits à l'intérieur de l'  " équilibre de la terreur ".  Vernant a choisi  le Moyen-Orient comme champs d'investigation.

 

Etat du monde et âge nucléaire

 lors de traitement de la deuxième partie intitulé l'état du monde à l'age nucléaire, pour rendre intelligible les relations internationales, le souci de Jacques Vernant n'est pas réservé aux historiens et aux sociologues, il appartient aussi aux chefs d'Etats et, d'une manière générale, à tous ceux qui ont pour mission d'éclairer l'opinion public.  Raymond Aron dans son livre Paix et guerre entre les nations  ( p 20), définit ces rapports comme les relations entre unités politiques dont chacune revendique le droit de se faire justice elle-même et d'être seule maîtresse de la décision de combattre ou de ne pas combattre.  (...)  La théorie des relations internationales part de la pluralité des centres autonomes de décision ( les Etats), donc des risques de guerre; et de ce risque elle déduit la nécessité du calcul des moyens.  Vernant en notant que la pensée de R. Aron est dans la ligne de la pensée clauswitzienne, l'essentiel de la définition de  R. Aron, ce qui caractérise  les relations internationales, c'est qu'elles sont dominés par la guerre ou par le risque de guerre.

 Si Clauzwitz compare la guerre à un commerce, Vernant,  quant à lui, traduit les situations politico-stratégiques   par un  " marchandage ".  Pour Vernant cela est plus vrai aujourd'hui que jamais.  L'apparition des armes nucléaires a eu pour effet de rendre plus  étroite l'interdépendance entre les adversaires-partenaires qui détiennent ces armes.  Vernant adhère à la pensée de Scheling dont il montre que  la dissuasion est un   fait psychosociologique d'une portée générale implique qu'il y a à la fois conflit et intérêt commun entre les parties en cause.

 

La  vision et la pensée  de J.Vernant vont à l'encontre de la pensée clauswitzienne. Vernant voit que l'apparition des armes nucléaire rend désormais impossible que les conflits des grands intérêts soient réglés par le sang comme l'entendait Clauswitz.  Selon Vernant, l'expérience confirme bien  son hypothèse:  entre puissances dotés d'armes nucléaires les conflits qui se sont produits depuis l'apparition de ces armes peuvent tous être schématisés comme des  " situations de marchandage ".  la crise de cuba en est l'exemple le plus probant.  Dans ces sortes de  " jeux "  provisoire  entre  adversaires, la partie n'est jamais finie. Il s'agit, de la part des joueurs affrontés, de décisions interdépendantes destinés à infléchir le comportement de l'adversaire de manière que l'issue provisoire de la partie soit aussi avantageuse que possible. Le recours aux armes étant, en fait, exclu de part et d'autre. p 72. 

Vernant pour illustrer ce  jeu de situation de marchandage,  tire des conclusions de la crise cubaine. Tout en soulignant le point mystérieux  sur les raisons de transport de missiles par les soviétiques vers l'île cubaine, pour Vernant, cette crise montre que les deux puissants se sont gardés de tout acte qui eût pu engendrer une situation incontrôlable.  la deuxième conclusion de J. Vernant de cette crise est la rapidité d'installation des bases de lancement des armes les plus modernes ( quatre mois).  Ainsi, un petit pays peut , s'il est équipé d'armes modernes,  constituer, pour une très grande puissance, un danger.  p84

Pour Vernant les armes nucléaires pose le problème de désarmement.  Pour lui, les armes nucléaires doivent faire l'objet d'un schéma de désarmement.  L'existence de ces armes, dotées d'une capacités de destruction illimitée, assurent une   " espèce de paix " entre les Etats qui les détiennent.  Parmi ces Etats ce sont les Etats-Unis qui en possèdent plus qu'il n'en  faut pour détruire leur adversaire potentiel  ( overkill). , 

 

International, régional, et  état de guerre à l'âge nucléaire  

De  point de vue régionale, vernant voit dans le problème chypriote est exemplaire à plus d'un titre.  Il constitue un modèle permettant d'apprécier la persistance sur le longue durée de constantes assez facile à découvrir sous les variables.   Significatif mais pas exceptionnel, Chypre est un cas de règlement territorial et politique imposé par les grandes puissances sans qu'il soit pris en considération  la volonté de les populations  concernées.  Selon Vernant, la seule perspective qui paraît autoriser l'espoir d'une  cohabitation féconde à Chypre- et d'une  réconciliation gréco-turque- est l'intégration, non la séparation des deux communautés chypriotes.

 

Prévoir les enchaînements  

La recherche dans le domaine de s relations internationales  invite à se poser la question:  est-t-il possible  - et  dans quelles limites  - de prévoir? Cette question posé par Vernant lui permet d'aborder les accords de Camp David de 1978 et apporter quelques éléments de réponse.

  Les événements  internationaux, comme tous les autres,  s'enchaînent en série à partir de points forts, qui marquent le commencement.  Vernant souligne que même s'il est difficile de prévoir ces commencements, par analyse, il est possible de prévoir les séries d'enchaînements  et de dégager le série la plus probable.  La visite du président Sadate à Jérusalem en 1977,  est le commencement d'une série d'enchaînements.  Cette visite mènera aux négociations de Camp David et à l'accord entre israéliens et égyptiens en 1978. Les objectifs d'Israël  et ceux de l'Egypte selon Vernant n'étaient pas les mêmes, ainsi, les stratégies du Caire et ceux de Jérusalem étaient contradictoires. C'est en fonction de cette contradiction  que, selon Vernant,   s'ordonneront les péripéties à venir et l'attitude des autres pays arabes.  Trois ans après les accords de Camp David,  M Alexandre Haig, le secrétaire d'Etat des Etats-Unis, a déclaré en Septembre  1981,  que Washington et Jérusalem prendraient des mesures  militaires communes pour défendre le Moyen-Orient contre  l'expansionnisme soviétiques et autres menaces extérieurs.Vernant dans ce contexte voit que  le regain de tension entre les Etats-Unis et l'Union soviétique, l'avènement de Ronald Reagan, la guerre irako-iranienne, la guerre civile en Iran,  répondent exactement  à ce que les stratèges  israéliens considéraient comme probable  - au moins a court terme - comme souhaitable.  Le chaos dans la région  -  Israël apparaissant comme un îlot de stabilité - .  A cet égard, une déstabilisation des régimes arabes modérés n'est pas envisagée  à Jérusalem avec les même critères qu'à Washington.

  Rapports internationaux

  J. Vernant distingue trois types de rapports internationaux:

     - Les rapports entre les  deux puissances  internationales, ou plus généralement entre le groupe de pays dits capitalistes et le groupes de pays socialistes.    - Les rapports entre les pays occidentaux industrialisés  et  les pays en voie de développement.    -  Les rapports entre les pays n'appartenants pas à la zone européo-atlantique.

De ces trois  " champs ", il en est un, le premier, qui commande en quelques façons, les autres.Pour les rapports entre les deux puissants, Vernant prend l'exemple de la crise cubaine pour illustrer les manoeuvres diplomatiques afin de régler la crise.   De fait entre le 22 et le 26 octobre, les messages échangés entre les deux chefs d'Etat.  Ces manoeuvres avaient pour objectifs de désamorcer la crise et d'éviter tout malentendu.  Elles visaient aussi de dégager une solution qui permettrait à chacun des deux joueurs, tout en assurant la paix, d'empocher, aux yeux du public, un bénéfice.  Pour les deux hommes d'Etat, la partie, comme toujours, se jouait autant sur le front politique intérieur que sur la scène internationale.  Les relations entre puissants donne lieu à une solidarité dans la prudence, Selon Vernant.  Ceci exclut l'usage des moyens militaires. Or pour lui, de ce point de vue, il est difficile de distinguer entre le nucléaire et le classique .Il se demande à partir de quel degré de capacité nucléaire un pays entre dans la catégorie des puissants.  A la course aux armements et à ses conséquences nationales et internationales s'ajouterait ainsi une déstabilisation psychologique qui mettrait fin à la trêve dont nous bénéficions aujourd'hui garce aux armements nucléaire.  Pour Vernant le phénomène d'action et de réaction alimente la course aux armements.  Dans la stratégie des armes nucléaires, la course aux armements  comporte une ironie particulière:  à la différence  de ce qui s'est passé  dans toute autre période de l'histoire militaire, aujourd'hui une supériorité numérique  substantielle dans les armements ne se traduit pas en fait  par un contrôle politique ou par  influence diplomatique.  A l'âge nucléaire dans laquelle nous vivons aujourd'hui, les opinions publiques ne seront jamais assez informées des conditions , nouvelles à maintes égards, dans lesquelles se joue leur sécurité.

  Jacques Vernant,  Les relations internationales à l'age nucléaire, Paris, La découverte, 1987,  334 pages