L'amour, la mort le cinema et l'homme politique                                                                                                                                                     

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Amour et morts, cinema et politique

 Un ouvrage cinématgraphique, en abordant la mort par le biais d’histoires d’amour, dénonce une société souffrante de malaises. « Les sociétés contemporaines se reconnaissent de plus en plus comme produit de leur décision, donc de leur action et de leurs rapports sociaux et non plus comme la mise en forme de valeurs transcendantes de  l’expérience sociale », Alain Touraine 1976. Les trois ouvrages ont un regard critique sur la sociéte contemporaine à laquelle les metteurs en scènes se réfèrent. Chez Cameron et Marker, cette critique est visible, alors que chez Pascale Ferran ce regard critique de la société est subtile, il est en arrière plan, dans le fond des cas traités. Cameron critique une société qui n’a plus le temps de prendre de recul. Une société, qui avance sûrement vers la catastrophe. Il faut noter que les réalisations antérieures de Cameron font de lui un metteur en scène qui se projette dans l’avenir avec une vision apocalyptique: Alien et terminator.

Dans Alien, on ne se sent pas forcément rassuré face à l’avenir et à ces monstres invincibles, même si l’on se dote de techniques et de technologie avancées pour la conquête de l’espace. Dans Terminator 2, ce sont aussi ces machines infernales  se présentant sous une forme humaine, qui écrasent tout pour exécuter ce dont pourquoi elles sont programmées. Dans le film, on assiste à une scène apocalyptique: une explosion atomique. Dans Titanic, Cameron dénonce les clivages sociaux et la supprématie d’une classe d’aristocrates. Il dénonce aussi le fait que peu de personnes détiennent à elles seules le destin de milliers d’êtres humains: J. Bruce ISMAY, prend des décisions qui vont mener  vers la catastrophe.  

Critique d’une puissance  

Marker quant à lui, se situe sur un autre registre de critique: les guerres. Il critique par là même la suprématie militaire qui  impose la mort à ses propres citoyens, au lieu de les défendre. Les japonais laissent des grenades à la population civile pour se suicider avant que les américains arrivent. Marker souligne aussi la manipulation, non seulement sur le plan intérieur, mais aussi pour embrouiller les faits, et modifier ainsi la mémoire collective de toute une population d’une île.    

Il dénonce la puissance des images manipulées par les armées sous forme de mises en scènes: image du drapeau sur Okinawa. Cette critique n’est pas nouvelle pour Marker, qui a déjà réalisé des ouvrages documentaires sur les mouvements de gauche entre 1967 et 1977, dans lesquels il dénonce cette capacité manipulatoire imposée par les images. Marker souligne aussi la censure que l’on peut exercer et que l’on ne nous montre pas. A l’image d’une scène où une mère qui a perdu ses enfants, et qui interpelle un haut responsable japonais en 1970, suite à la pollution de l’eau par le mercure; Marker laisse l’image parler pendant plus de deux minutes, le hurlement de la mère et le visage insensible du responsable. Cette image est parmi les images que les japonais ne montrent pas. Tout comme l’image du soldat américain qui retrouve sa mémoire face à la caméra en présence d’un psychiatre, une image censuré durant 30 ans.

 Marker, spécialiste des images fortes, souligne dans « Mai 68 et tout ça », la carence voulue, en images concernant  le mouvement de mai 1968. Dans Level 5, Marker avertit et dénonce une tendance manipulatoire par l’image de la part des acteurs d’une situation, envers ceux qui n’ont rien vécu et qui ont le droit  de connaitre une vérité, souvent cachée.

  Dans l’histoire d’images manipulées, on peut citer l’exemple de Timisoara lors de la chute de Ceaociscu en Roumanie, on peut citer aussi l’exemple des massacres de Srebrenica en Bosnie, et tout récemment Racak au Kosovo. La crise du Kosovo fait apparaître que la manipulation des images a atteint le sommet, entre la télévision de Belgrade RTS et les images difusées durant les briefings de l’OTAN quotidiennement à Bruxelles. L’image de la fosse commune du village d’Orajevo en est un exemple. L’OTAN affirme, et la télévision de Belgrade montre le village et des témoins qui disent «  rien de tout cela n’est vrai ». La télévision de Belgrade sera, par la suite, complètement détruite par l’aviation alliée.

  Critique d’une tendance sociale

  Pascale Ferran critique de façon subtile et à au niveau individuel, la carence de compréhension entre les individus. Cette carence est, pour elle, le reflet d’une tendance plus générale dans notre société. Parler sans rien dire; parler dans des occasions alors qu’il faut plutôt écouter. C’est cette écoute qui manque dans les cas soulignés par Ferran. Les canaux de communication sont coupés, personne ne s’intérresse à l’autre, les détresses des uns ne mobilisent pas les autres; elles sont au contraire négligées. Là, Pascale Ferran souligne un fait de société, « peut-être total » le manque de communicabilité. Est-ce dû à notre époque? nous n’avons pas de réponse exacte, mais si c’est le cas, Ferran rejoint ainsi les deux autres metteurs en scènes.  

  La mort du cinéma à la sociologie

Nous essayons de voir si l'homologie individu/société, peut se faire à partir d’exemples tirés d'oeuvres cinématographiques. Nous cherchons aussi à trouver s'il existe une métaphore possible entre l'individuel et le collectif, à travers des exemples du "rôle" joué par un "acteur" dans un film. Nous cherchons enfin à trouver, dans des oeuvres cinématographiques, le politique là où il est supposé ne pas être. Ces oeuvres de " la forme qui pense " selon Godard et destinées au divertissement du public, contiennent du politique. Pour cela, nous essayons de trouver la métaphore ou l' " homologie"  individu/société et non pas l'homogénéité. Si Durkheim dans " les règles de la méthode sociologique", affirme que les faits de la vie individuelle et ceux de la vie collective sont hétérogènes, il reconnaît que les individus sont les seuls éléments actifs d'une société,  Durkheim, 1973, pXV. 

Si la société est l'objet d'études des sciences sociales, ces dernières se basent, entre autres, sur des études tenant compte des " agents" et des " acteurs" sociaux, de leurs "rôles" joués dans un groupe ou une société, donc des individus. Michel Crozier, dans son ouvrage "l'acteur et le système" fait appel à la notion d'acteur pour définir celle du système. L'acteur est, pour la science politique, le principal pivot sur lequel se reflètent société et culture. L'acteur est une notion sur laquelle s'impriment socialisation et culturation. Le va-et-vient entre société et individu est inévitable. Les politistes s'accordent à dire qu'ils n'ont jamais vu la société française ou la France voter, mais plutôt des français. Un acteur qui vote, qui décide, qui fait partie d'un système,  joue donc un ou plusieurs rôles dans un jeu d'interaction. Dans notre cas, nous partons d'un angle micro en élargissant le champ vers le niveau macro. Il semble qu'il y a en principe aucune différence entre l'activité propre à l'individu et celle qui se règle d'après des expectations analogues, fondées sur un comportement déterminé d'autrui ( ...), Une  " activité communautaire"  se constitue toujours en un comportement d'individus isolés, M. Weber, 1992, p321-322.

Nous plaçons ce travail dans un cadre interactionniste ; cette interaction entre des acteurs se fait autour d'un objet: la mort. Le jeu d'interaction que nous désignons se fait entre des individus vivants et d'autres qui ne font plus partie du jeu interactionnel  possible: des morts. Cette interaction est donc celle des vivants avec leurs morts. Entre vivants, quand ça ne va pas, on essaye de trouver des solutions, et généralement on les trouve, et les choses s'arrangent. Avec des morts, quand ça ne va pas, la souffrance existe, et celle-ci ne s'arrange pas. On suppose qu'un jeu d'interaction existe avec, comme objet, la mort. Ce jeu d'interaction se situe au niveau des individus "acteurs" niveau micro. On suppose que ce jeu d'interaction existe aussi au niveau collectif plus global, "macro". Nous illustrons cela par le recours à traois ouvrages cinématographiques: 

  - Un navire qui coule avec ses passagers, dans l'un des plus grands films catastrophes de l'histoire du cinéma

 - Le récit d'une femme, un cas précis dans Level Five

 - Trois personnages, des petits arrangements avec la mort  

 

Cinéastes, mise en scène et démarches sociologiques

Ces trois oeuvres traitent le sujet de la disparition, la mort. Dans le Titanic on focalise notre regard sur le récit de Rose, l'une des 2220 passagers à bord du navire. On suit aussi le récit d'une autre  femme seule en détresse, dans un autre ouvrage. Puis, les détresses de trois individus sur une plage d'été. Amour et mort font le lien entre individuel et collectif. Dans les trois ouvrages, on trouve la logique du passage du macro vers le  micro; chaque metteur en scène choisit un cas précis  parmi tant d'autres, en partant d'une image générale. Chez Marker et Ferran, on trouve le niveau micro à partir du choix de cas précis : Laura, Jumbo, François et Zaza. Cameron choisit le navire gigantesque et zoome sur un cas précis: le cas de Rose, à travers une histoire d'amour et de mort.

Dans les trois oeuvres, la mise en scène se focalise sur un objet ou un lieu précis : le navire pour Cameron, les rues des villes dans la nuit pour Marker, et un lieu de vacances pour Ferran. Chaque metteur en scène se donne le temps au début de son film pour situer et installer son objet, puis ses personnages  : un port, les rues d'une ville ou une plage. Quelque part, sur un port, des préparatifs pour le départ d'un navire ; sur le port, Cameron choisit Rose. Quelque part, dans une ville, Marker choisit Laura. Quelque part sur une plage, parmi la foule, Ferran choisit trois individus, Jumbo, Zaza et François.Les réalisateurs sont partis du collectif vers l'individuel, du niveau macro vers le micro.  Nous essayons de prendre le chemin opposé; on partira des exemples individuels des 5 personnages pour aller vers le collectif ; on va donc du niveau micro vers le niveau macro. Chacun des trois cinéastes part certainement d’un hypothèse, il rassemble les éléments lui permettant d’aller dans le sens de ses présupposés, puis, il passe à la mise en scène. Les oeuvres cinématographiques se basent de façon générale sur des facteurs psycho-sociologiques. La démarche de réalisation et de mise en scène d’un film n’est pas loin des démarches des chercheurs des sciences sociales; certains les appellent les praticiens de la sociologie contemporaine, ou encore les témoins de leur époque.