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L'Amérique entre extension et confinement La politique américaine de Baruch à Bush Mohamed
Abdel Azim* Le système international actuel n’offre pas les conditions nécessaires
pour faire face au problème de la prolifération nucléaire. Avec la
logique des néo-conservateurs, visant à revitaliser
les valeurs patriotiques à l'intérieur et une politique dynamique à
l'extérieur des États-Unis, Washington qui suit une politique d’extension basée
sur la force, revoit sa copie et songe à l’inflexion. Sur fond de lutte
contre la menace terroriste, Washington mène la guerre en Afghanistan. La
perception de la menace théorique de Saddam Hussein avec ses laboratoires
nucléaires fictifs et ses armes de destruction massive, motive le déclenchement
de la guerre en Irak en 2003. Depuis, la prolifération passe au travers
du filet américain. Avec le test nucléaire de la Corée du Nord et la
poursuite du programme nucléaire iranien, les États-Unis assistent
impuissants à l’entrée de la question de la prolifération dans une
phase de non contrôle. Quelles sont donc les raisons pour lesquelles
Washington se voit dépassé par la vitesse de l’inévitable prolifération ?
La prolifération de Baruch à Bush Face à la prolifération nucléaire, les États-Unis se trouvent
confrontés au plus grand échec de leur politique depuis la Deuxième
Guerre mondiale. Il y a eu tout d’abord l’échec de la politique de
persuasion poursuivi jusqu’en 2003. Depuis cette date, l’Irak met au
grand jour l’échec de la stratégie américaine dans son recours à la
force pour des raisons liées, en apparence, à la lutte contre la prolifération
nucléaire. Cette politique (avec les deux facettes : persuasion et
force), vise à dissuader certains pays de ne pas développer des armes
nucléaires[1].
La dernière politique américaine
contre la prolifération, basée sur la vision de l’administration Bush
à travers un axe du mal, n’a pas forcement résolu le problème
ou guéri ce mal chronique. Durant des décennies, Washington, au travers
des politiques des différentes administrations contre la prolifération,
n’est pas parvenu à mettre
fin à ce problème. Ces administrations ont abouti à la conception
d’une démarche basée sur la persuasion par la dissuasion rationnelle.
Cette politique en destination des pays en voie de nucléarisation ne
donne pas les résultats escomptés. Le passage à la phase de l’usage
de la force est en lui-même l’illustration de l’échec de la première
phase de la politique américaine contre la prolifération nucléaire.
L’échec de la première phase de persuasion trouve ses origines dans
l’ambiguïté de la conception théorique de la politique de dissuasion
envers des Etats non nucléaires. Ce constat d’une politique inachevée
relève les craintes américaines
et poussent Washington à s’orienter vers une démarche offensive par la
prévention guerrière. L’échec de cette démarche unilatéraliste
pousse à son tour les États-Unis à s’orienter vers une voie de
confinement. Basée essentiellement sur la conception de la défense, ce
retranchement s’appuie sur deux axes. Le premier est la barricade par
bouclier anti-missile et le deuxième vise le barrage par la stratégie
spatiale. Cette stratégie prône la "liberté d'action" des États-Unis.
C’est ce qui leur donne le droit d’interdire l'espace, si nécessaire,
à tout pays « hostile aux intérêts américains ». Lorsqu’on suit la politique américaine,
on s’aperçoit que depuis le plan Baruch en juin 1946, les États-Unis
se sont clairement opposés à la prolifération nucléaire[2].
C’est le cas jusque dans les années 60. Cependant, l’opposition américaine
à la prolifération des armes nucléaires est à peine accompagnée
d’une politique logique, cohérente et bien définie[3].
Durant les années 50, la prolifération nucléaire n’a pas été considérée
par les Policy Makers américains
comme une question globale nécessitant une orientation particulière.
L’administration Eisenhower opte pour une stratégie sous le signe de la
paix : Atoms for Peace.
Cette politique se montre limitée et c’est sous la présidence de John
F. Kennedy que les États-Unis considèrent que la non-prolifération nucléaire
mérite une ligne politique plus stricte. Malgré cela et en 1964, la
Chine devient alors la 5ème puissance nucléaire. A cette époque,
d’autres candidats sont potentiellement et techniquement capables de
franchir le pas. Émerge alors l’idée d’une norme internationale et
d’un traité de non-prolifération des armes nucléaires, sous
l’administration Lyndon B. Johnson. Washington tend à considérer
qu’une politique ferme, globale et concertée peut freiner la prolifération
des armes nucléaires. Mais depuis, le nombre de pays détenteurs de la
bombe atomique a doublé (avec Israël, l’Inde, le Pakistan, la Corée
du Nord et bientôt l’Iran)[4].
L’inévitable
prolifération À la lecture des événements des années 60, on a
tendance à dire que la prolifération est inévitable par un effet de réaction
en chaîne. Quatre décennies plus tard, ce constat est toujours
d’actualité. L’essai nord-coréen risque de déclencher une cascade
non contrôlable dans la zone du sud-est asiatique (Corée du Sud, Japon
et Taiwan). La peur de l’Iran comme future puissance nucléaire risque
à son tour de déclencher une autre cascade dans la zone du Moyen-Orient
(Arabie Saoudite, Egypte, Syrie ou encore la Turquie)[5].
Ce constat rappelle ce qui s’est passé lorsque la Chine est devenue la
cinquième puissance nucléaire dans les années 60 du siècle dernier.
L’Inde avait besoin de se sécuriser. Dix ans plus tard l’Inde devient
une puissance nucléaire. À cette époque, l’ambassadeur américain en
Inde Thompson tire la sonnette d’alarme dans une lettre adressée au Department
of State et propose de rassurer New Delhi en cas d’attaque par
l’un de ses voisins. D’après Thompson, le facteur principal en jeu
dans la décision indienne de développer ou non son arme nucléaire, dépend
des assurances données par Washington. Mais d’une part, ces assurances
n’ont jamais eu lieu, d’autre part la Chine procède à son deuxième
essai nucléaire. Il faut donc rassurer Nehru. Dans un rapport daté du 27
février 1965 et envoyé aux ambassades américaines à Moscou, à
Tel-Aviv et au Consul américain à Hong Kong, le département d’Etat
(page 4, point numéro 5), fait allusion aux assurances de soutien de
Washington à Nehru lors de la visite du Président Eisenhower en 1959.
Nehru aurait, selon le document (page 2, paragraphe 2)[6],
demandé l’aide militaire américaine en 1962. La note souligne aussi que les États-Unis ne peuvent
aller au-delà des assurances et qu’ils entendent défendre l’Inde en
cas d’attaque chinoise. Un an après, le 29 mars 1966, le secrétaire
d’État Dean Rusk écrit une note dans laquelle il souligne que les
Indiens ont pris la décision de développer un programme nucléaire
militaire. Il souligne aussi que si cette décision est appliquée,
l’Inde sera en mesure de procéder à son premier test nucléaire un an
plus tard. L’Inde, selon la note de Dean Rusk, a suffisamment de
plutonium pour procéder à la fabrication de la bombe atomique[7].
Malgré les oppositions internes, l’Inde poursuit son programme nucléaire
et suite à l’essai chinois du 24 octobre 1964, le Président de la
Commission de l’énergie atomique indien, annonce que son pays procédera
peut-être à la fabrication de l’arme nucléaire, sauf si des pas
significatifs sont faits pour un désarmement général. Dix ans plus
tard, en mai 1974, l’Inde procède à son premier test nucléaire. Deux
semaines après ce test, un rapport écrit par le département d’État
estime que l’essai indien a pour but de dissuader la Chine. Trois ans
avant que la Chine procède à son premier essai nucléaire, les Américains
ont déjà l’information sur les prétentions chinoises. Cela remonte à
septembre 1961. La question est alors de savoir comment contrer la Chine
communiste. L’option choisie est de donner le feu vert à la prolifération
asiatique. C’est faute de pouvoir arrêter le programme nucléaire
chinois, que les États-Unis cherchent à contrer la Chine par l’un de
ses voisins. Dans cette région, il y a le Japon, l’Inde et le Pakistan
qui peuvent avoir les capacités techniques dans ce domaine. Il n’y a
que la candidature de l’Inde qui semble être retenue. Un document avec
un contenu impressionnant, daté du 14 septembre 1961, montre que le département
d’État se fait des soucis à propos de l’impact psychologique d’une
détonation nucléaire de la Chine communiste. La dénucléarisation de la
Chine n’est pas l’option choisie. Washington constate alors qu’il
faut agir autrement. La question est comment faut-il donc agir ? La réponse
se trouve dans un rapport qui recommande une action face à un possible
essai nucléaire de la Chine communiste prévu dans deux ou trois ans. Le
chef du Conseil de planification de la politique du département d’État,
George C. McGhee présente son rapport au secrétaire d’État Dean Rusk.
Le rapport McGhee est étonnant. Écrit le 13 septembre 1961, le 4ème
paragraphe de la deuxième page recommande de chercher la prévention du côté
indien. « Il serait souhaitable qu’un pays asiatique ami puisse
rivaliser la puissance avec la Chine communiste. Aucun candidat n’est
plus probable que l’Inde. (…) Face à ce constat, s’il faut choisir
entre la Chine et l’Inde et tant que nous manquons de possibilité
d’action, il vaut mieux que le premier pays asiatique soit l’Inde et
non pas la Chine[8].
» L’Inde, qui effectue son premier
essai d'arme nucléaire en 1974, n'a jamais adhéré au Traité de
non-prolifération nucléaire. L'accord nucléaire avec l'Inde, suite à la visite du président Bush en 2005, suscite des réticences. Bien que le
caractère exemplaire de la non-prolifération nucléaire indienne ait été
officiellement reconnu par Washington, les
critiques estiment que l'entente pourrait renforcer des
candidats à la puissance nucléaire
comme l'Iran et la Corée du Nord. Ambivalence
américaine et ambiguïté israélienne Israël choisit l’ambiguïté
et son option nucléaire est mise en place suite à la menace soviétique
lors de la crise de Suez en 1956. Ben Gourion opte alors pour ce qu’on
appelle la « Samson Option »,
afin d’échapper à la pression de Moscou lors d’un conflit futur avec
les Arabes. Le réacteur de Dimona est construit durant les
administrations Eisenhower, Kennedy et Johnson. La première bombe
atomique israélienne est produite quelques semaines avant la guerre des
Six jours, en 1967. La décennie critique (1959-1969), illustre l’échec
des efforts américains pour arrêter le programme nucléaire israélien.
Durant les années 60 du siècle dernier, surgit la notion de l’ambiguïté
israélienne accompagnée de l’ambivalence américaine. Dans le domaine
de la prolifération nucléaire, Washington ne peut pas nier avoir fermé
les yeux, pour permettre aux israéliens, comme aux Indiens, de développer
les armes nucléaires. Le désir
de rêve même de l’établissement d’un État hébreu, engendre un
large consensus au sein de la communauté juive dispersée dans le monde.
La guerre israélo-arabe 1948-1949, -qui a lieu juste après la création
de l’État d’Israël- permet de resserrer les liens qui unissaient
cette population meurtrie par l’histoire. Se forme alors le triangle
Bergmann, Pérès et Ben Gourion qui gardera le secret plusieurs années.
C’est à partir de 1955, que la volonté des israéliens s’affiche
vers un programme nucléaire militaire. Cette détermination se montre dès
la première conférence de Genève en août 1955. Les documents montrent
qu’à partir de 1957, Washington savait ce qui se passait à Dimona et
comment l’AEC (Atomic Energy
Commission), le département d’Etat, ou encore la Maison Blanche
n’ont donné aucune suite aux rapports de la CIA relatifs au programme
nucléaire israélien. Les documents montrent aussi comment, à
Washington et à propos de la centrale de Dimona, aucune des photos prises
par les avions U-2 ou le satellite Corona, n’a été rendue publique. Le
contexte historique dans lequel se trouve l’État hébreu, l’aide à
échapper à la politique américaine farouchement opposée, en apparence,
à la prolifération nucléaire. On se rend compte de l’échec des
services d’Intelligence américains à clarifier ce qui se passe à
Dimona. A Washington, la Maison Blanche et le département d’État
n’ont jamais été inquiétés par les rapports de la CIA sur ce sujet.
De plus, certains rapports de la CIA , hautement sensibles, n’ont jamais
été transmis, ni à la Maison Blanche, ni à la commission du Sénat.
Enfin, les rapports des visites officielles, par des experts américains
de l’AEC, du site nucléaire de Dimona, ne donnent aucun signe de
l’existence d’activités nucléaires sur ce site. Les Israéliens,
alors aidés par l’œil fermé de Washington, œuvrent pour aboutir à
la concrétisation de leur programme nucléaire et optent pour l’ambiguïté
nucléaire. La
perception de la menace L’approche américaine à l’égard
de la prolifération nucléaire s’opère selon une classification du
monde entre deux parties : une partie amie et une autre ennemie. Face
à la menace, Washington navigue entre des conceptions théoriques de la
dissuasion basées essentiellement sur des effets d’annonce sans jamais
vraiment définir clairement l’orientation de leurs stratégies. C’est
le cas du "nouvel ordre mondial" de Bush père ou encore
"l’axe du mal" du Bush junior puis le "Grand
Moyen-Orient" en passant par le "nouveau Moyen-Orient". Les
États-Unis qui oscillent
entre le langage de la menace et celui de la diplomatie n’a toujours pas
défini une ligne claire pour contrer la prolifération. C’est le cas en
ce qui concerne le dossier iranien. Mais vis-à-vis du dossier nord-coréen
et depuis 1994, Washington oscille entre choix de diplomatie et ligne dure
envers Pyongyang. Depuis 2003, lorsque la Corée du Nord décide de sortir
du TNP, les dilemmes semblent être sérieux et les issues sont limitées.
La prolifération nucléaire est en marche. Avec une stratégie de défi,
les non-dissuadables (Nord-coréens et Iraniens) sont là pour challenger
Washington. Les administrations américaines semblent échouer dans leurs
politiques contre la prolifération. Washington va d’un échec vers
l’autre. En plus de l’échec de leurs multiples politiques de
non-prolifération suivies durant des décennies, les Américains sont
confrontés à l’échec de leur politique de dissuasion. Ils sont aussi
confrontés à un affaiblissement dans leurs capacité de gestion des
crises majeures ou des conflits comme en Irak ou en Afghanistan. Ces échecs
poussent les États-Unis à
aller vers une politique de défense marquée par le confinement et
l’arrêt provisoire de l’extension de l’empire. C’est ce qui
desserre l’étau sur des pays comme l’Iran ou la Syrie. Depuis l’arrivée de George Bush au pouvoir,
l’administration américaine perçoit la menace et accentue le passage
de la politique persuasive vers une phase dite préventive. Cette stratégie
d’attaques préventives convie à s’interroger sur le bien-fondé
d’une politique théoriquement destinée à dissuader des pays de se
doter de l’arme atomique. Cette stratégie a eu, par la menace et la
pression, l’effet contraire[9].
Les menaces américaines n’ont pas fait plier Saddam Hussein qui a suivi
une politique de défi envers Washington. Cette situation mène à la
guerre en 2003. La guerre en Irak place la préoccupation de la prolifération
en second plan. La question du "comment sortir de la situation grave en Irak",
prévaut sur le
programme du voisin iranien et complique la tâche américaine dans ce
domaine. Après l’Irak, les menaces américaines envers l’Iran et la
Corée du Nord perdent de leur crédibilité. Ces menaces n’ont ni
persuadé Ahmadinejad d’abandonner son programme, ni dissuadé Kim
Jong-Il de procéder au test nucléaire. Chacun d’entre eux joue sur la
corde sensible des dilemmes particuliers et insolubles devant lequel se
trouve Washington. Ces dilemmes, en plus des difficultés américaines en
Irak et en Afghanistan, empêchent la mise en place d’une possible
intervention militaire contre ces deux pays. Il ne reste plus que les
sanctions pour les États-Unis. Depuis de longues années, et malgré la
menace de sanctions, Téhéran poursuit son challenge et Pyongyang brise
le tabou. Washington échoue dans sa politique de persuasion d’abord
envers la Corée du Nord et puis envers l’Iran. Ces deux pays affichent
une claire volonté de défier les menaces et de challenger les pressions
de Washington consistant à imposer des sanctions économiques contre
chacun d’eux. Pyongyang, l’isolé depuis des décennies, sort de la
clandestinité et effectue son premier essai nucléaire en octobre 2006,
donnant ainsi un coup dur aux efforts de Washington contre la prolifération
nucléaire. L’Amérique
commence à contester les raisons pour lesquelles George Bush conduit la
guerre en Irak et on demande le départ des troupes américaines de ce
pays. Basée essentiellement sur une théorique menace nucléaire de la part de Saddam Hussein, Washington
opte pour la prévention par la guerre. Depuis
2003, l’armée américaine n’arrive pas à sortir du bourbier irakien.
Suite
aux résultats des élections de mi-mandat, Bush doit se réinventer en président
de compromis ou en canard boiteux. George W. Bush se prépare à deux
dernières années de présidence difficiles après la victoire démocrate
aux élections parlementaires, et plus encore si l'une des deux parties
refuse le compromis que M. Bush n'a lui-même guère pratiqué
jusqu'alors. Il est clair que
suite aux attentats du 11 septembre 2001, la perception américaine de la
menace pousse Washington à entreprendre une série de mesures en vue de
lutter contre le terrorisme et la prolifération nucléaire.
L’administration Bush axe sa politique sur l’extension de la lutte le
plus loin et en profondeur. Cette conception aboutit à la mise en place
de l’opération de guerre contre les Talibans fin 2001. Deux ans plus
tard, cette même logique mène à l’invasion de l’Irak avec comme prétexte
l’arrêt d’un programme nucléaire clandestin alors que la visée de
cette guerre est le renversement de Saddam Hossein qui se montrait
non-dissuadable par la puissance américaine. Le programme nucléaire
clandestin s’avère fictif et le constat de la non-existence des armes
nucléaires en Irak affaiblit la crédibilité des États-Unis
dans ce domaine. Les difficultés à rétablir l’ordre dans les
villes irakiennes, l’existence d’acteurs non-dissuadables à proximité
de ce pays ou encore les difficultés américaines en Afghanistan donnent
l’image d’une puissance impuissante. Au lieu de sentir sa force,
l’Amérique pressent une menace de plus en plus grandissante. Cette
situation oriente la conception des États-Unis
de la menace et façonne leur stratégie pour les années à venir.
De la non prolifération à la
persuasion Au début des années 1960, à
Washington règne la peur de voir, à l’horizon 1975, le monde passer de
4 à 15, voire 20 puissances nucléaires[10].
La technologie et la connaissance en matière nucléaire sont devenues de
plus en plus disponibles. Elles sont moins chères et donc abordables.
Avec le test nucléaire nord-coréen, l’optimisme américain affiché au
sujet du succès de la dissuasion et de la non-prolifération encaisse un
coup dur. L’aspiration à la puissance par la dissuasion de la part des
pays comme la Corée du Nord, fait diminuer les espoirs de la non-prolifération
voulu par Washington. Les États-Unis
qui doivent se plier à la réalité de la fatalité de la prolifération
se préparent à vivre dans un monde comportant 10 puissances nucléaires,
voire plus, dont sept puissances dans le continent asiatique. L’échec
de Washington de persuader les Nord-coréens de renoncer à la bombe, se
transformera-t-il en un succès de la prolifération ? Les armes nucléaires
de la Corée du Nord ne sont pas le premier dossier de prolifération nucléaire
face auquel se trouve confronté une administration américaine. Il ne
sera certainement pas le dernier. Depuis les années 50, Washington a du
faire face à des différents scénarios et avait, pour chaque cas,
toujours trouvé des arrangements avec le nucléaire sans vraiment mettre
fin à la prolifération des armes nucléaires. En 50 ans le monde est
passé de 5 à 9 puissances. D’autres candidats frappent à la porte.
Durant des décennies la position de Washington avait été pour le moins
flou et manque drastiquement de clarté. C’est le cas envers le dossier
israélien, indien, pakistanais ou encore nord coréen. La crise systémique américaine Au lendemain de la défaite de
Bush au Congrès, le président annonce le 8 novembre 2006, la démission
de son secrétaire d’État à la Défense Donald Rusmfeld[11],
prenant immédiatement acte de la victoire démocrate aux élections
parlementaires de mi-mandat, largement due à l'impopularité de la guerre
en Irak. M. Bush, reconnaît que l'Irak a constitué un facteur majeur de
la défaite de son parti républicain. Aux commandes du Pentagone depuis
2001, Rumsfeld incarne la guerre en Afghanistan et en Irak. Sa démission
bouleverse la ligne stratégique américaine. Le président Bush est alors
condamné à une difficile cohabitation pour les deux dernières années
de sa présidence après avoir régné sans partage pendant six ans. Trois
semaines plus tard, c’est au tour de l’ambassadeur américain aux
Nations unies Bolton de présenter sa démission. Donald
Rumsfeld, 74 ans, conduit les États-Unis
dans deux guerres. Après les attentats du 11 septembre 2001,
Rumsfeld, s'était fait l'avocat irréductible d'une Amérique forte, sans
état d'âme, face aux risques émanant des terroristes et des Etats jugés
incontrôlables par Washington. En représailles, il conduit la guerre en
Afghanistan à l'automne 2001. Le rapide renversement du régime des
Talibans en Afghanistan lui donne une forte stature et relègue dans
l'ombre le département d'État et son titulaire Colin Powell. Rumsfeld se
porte ensuite l'avocat de l'invasion de l'Irak (printemps 2003) mais se
fait beaucoup plus discret après la révélation en avril 2004, du
scandale des sévices infligés à des Irakiens par des militaires américains
à la prison irakienne d'Abou Ghraib. Un des
principaux néo-conservateurs américains, l'ancien secrétaire d’État
à la Défense Donald Rumsfeld se départit rarement d'un sourire au coin
des lèvres. Principal
artisan de la politique américaine en Irak, ce riche industriel est rappelé par Bush en 2001, pour notamment doter
les États-Unis d'un système
de défense antimissile. Il poursuit sa vision d'une puissance américaine
étendue jusqu’aux portes de la Chine et de la Russie en utilisant les
forces de l’OTAN en Afghanistan. Rumsfeld se trouve face à la difficulté
majeure de mettre fin aux combattants Talibans dans ce pays. Le retrait
des soldats italiens et espagnolles de l’Irak et le retrait annoncé des
troupes polonaises et britanniques affaiblit drastiquement sa stratégie
d’extension et pousse Washington à repenser sa politique future qui
tend à arrêter, au moins provisoirement, l’extension. Repoussée par
l’émergence de la Chine et notamment sa présence en Afrique, par les réticences
de la Russie et son soutien au programme nucléaire iranien, cette
expansion est mise en doute par le départ de certaines forces alliées de
l’Irak. La puissante Amérique va devoir se replier et évoluer
vers une période de retranchement pour y voir un peu plus clair dans un
système international marqué par une crise systémique. Le système politique américain
a, ces dernières années, été confronté à de multiples crises sans
vraiment trouver les issues adaptées à chacune d’elles.
Cette incapacité manifeste ouvre les portes à une crise systémique
globale dans laquelle la Russie, la Chine et l’Europe n’arrivent pas
à trouver une position convenable pour apporter des solutions possibles.
D’après le GEAB[12],
la politique américaine entre dans sa phase finale. Cette phase
d’impact, que le GAEB désigne
comme la phase explosive de la crise, met fin à la phase d’accélération.
Cette dernière se caractérise par la prise de conscience généralisée
que le système global, en place depuis des décennies, est en mutation.
Des changements profonds s’opèrent dans la durée. C’est le cas de la
prolifération nucléaire avec la Corée du Nord et la candidature de
l’Iran. Après l’essai nord-coréen, l’Iran, au lieu de ralentir le
pas, accélère son rythme et commence à alimenter en gaz sa deuxième
installation d'enrichissement d'uranium. Ce geste de défi aux grandes
puissances est manifesté alors que piétinent les discussions autour
d’un projet de résolution imposant des sanctions pour contraindre Téhéran
à suspendre ses activités. La Chine et la Russie, émettent des réserves
sur le projet initial. La crise globale commence à se
montrer dès l’essai nucléaire nord-coréen illustrant l’échec de la
politique américaine contre la prolifération nucléaire. La phase
d’impact de cette crise est déclenchée par les résultats des élections
de mi-mandat, courant novembre 2006. Ces élections sont le facteur
catalyseur d’un changement qui annonce le point nodal des principales
lignes de fracture de l’actuel système global[13].
La victoire des démocrates aux élections législatives américaines
isole George Bush et conduit vers un possible blocage
politico-institutionnel en Amérique, avec d’importantes conséquences
politiques, économiques et commerciales[14].
Cette crise est suivie par le niveau record de la violence en Irak. La
situation se dégrade et le président Bush
admet, le 18 octobre, à la chaîne de télévision ABC, pour la première
fois, qu’une analogie est possible entre la guerre en Irak et la guerre
au Vietnam. Il déclare que l'on peut comparer les attaques actuelles,
contre les forces américaines en Irak, à l'offensive historique du Têt
en 1968. « Il pourrait avoir raison », dit le président Bush
au journaliste qui lui demandait si l'éditorialiste Thomas Friedman
pouvait, comme il l'a fait dans le New
York Times du même jour, comparer les attaques contre les forces américaines
par les Irakiens à l'offensive du Têt. Cette offensive est un événement
majeur de la guerre du Vietnam. A l’image de la bataille de Diên Biên
Phu, qui conduit la France à négocier les accords de Genève en position
militairement faible pour terminer la guerre d’Indochine en1954,
l’offensive de Têt oblige les Etats- Unis à négocier les accords de
Paix de Paris en 1973 en position de faiblesse à la fois politique, par
la contestation croissante en Amérique, et aussi militaire à cause du résultat
psychologique de cette offensive. Cette analogie qui implique le symbole
de retrait précipité et une évacuation traumatisante des ressortissants
dans un hélicoptère, est-il le signe avant coureur d’une nouvelle ère
de la politique américaine que l’on peut qualifier de “phase de
confinement” ? B/ Changement de tactique La commission spéciale sur
l'Irak, chargée d’émettre des propositions et présidée par l'ancien
secrétaire d'État républicain James Baker, suggère des changements
majeurs dans la stratégie américaine. Il recommande d’effectuer un
retrait des troupes américaines par étapes ainsi que des discussions
avec l'Iran et de la Syrie[15].
Le rapport Baker-Hamilton préconise le départ des forces combattantes,
sans fixer de calendrier, et un dialogue avec la Syrie et l’Iran. Selon
ce groupe indépendant, les États-Unis
doivent changer de stratégie en Irak. Il
n’y a pas de «formule magique» pour sortir du marasme irakien : tel
est le constat peu étonnant du rapport du Groupe d'étude sur
l'Irak remis le 6 décembre 2006, au président Bush. De son côté le
nouveau secrétaire d’État à la Défense Robert Gates reconnaît, la
veille, devant le Sénat que les États-Unis
ne sont pas en train de gagner la guerre en Irak et se dit
personnellement ouvert à des idées alternatives sur les prochaines
tactiques et stratégies à adopter en Irak. Il a ajouté que le statu quo
n'était pas tenable. La
campagne électorale des élections américaines de mi-mandat a lieu sur
fond de multiples critiques sur la politique de l'administration Bush et
l’enlisement de la situation en Irak. A la recherche d’une issue, le
président américain George W. Bush commence la consultation avec ses généraux
sur la réponse à apporter à la dégradation de la situation en Irak
mais il écarte l’hypothèse d’un changement fondamental de sa stratégie.
« L'objectif en Irak est clair et inchangé : c'est la victoire. Ce
qui change, c'est la tactique que nous employons pour atteindre cet
objectif », déclare George Bush. Les forces américaines ont
enregistré en octobre 2006, leur mois le plus meurtrier depuis le début
de l'année, avec 104 morts en un mois[16].
A Washington s'efforce de réfléchir à une nouvelle stratégie en Irak.
La dégradation de la situation dans ce pays coûte cher à
l’administration Bush aux élections du 7 novembre 2006,
pour lesquelles l'Irak est le moteur plus que toute autre chose.
Aux États-Unis l’heure
est aux remises en cause de leur stratégie en Irak. « Les États-Unis
ont fait preuve d'arrogance et de stupidité en Irak et
devraient se montrer plus humbles dans leur stratégie dans ce pays, qui a
été marquée par beaucoup d'erreurs », affirme, en octobre 2006,
Alberto Fernandez, le directeur au Bureau des Affaires proche-orientales
au département d'Etat, à la chaîne satellitaire qatarie Al-Jazira.
« Nous devrions être plus humbles sur la question de l'Irak.
Indubitablement -et comme les États-Unis
l'ont reconnu-, il y a eu beaucoup d'erreurs dans la politique étrangère
(américaine) en Irak », explique Alberto Fernandez. La Maison
Blanche est de plus en plus sous pression pour opérer un changement de
cap en Irak, réclamé non seulement pas les démocrates mais aussi par
certains républicains. D'après M. Fernandez, qui s'exprimait en arabe,
les États-Unis sont ouverts à des discussions sur le futur de l'Irak
avec ceux qui se préoccupent de mettre fin aux violences. « Nous
sommes ouverts au dialogue. Nous croyons tous qu'en fin de compte (...),
la solution à l'enfer en Irak est totalement liée à une réconciliation
nationale irakienne effective ». déclare M. Fernandez. De son côté,
Tony Blair est plongé dans l'embarras après avoir semblé admettre, le
17 novembre 2006, que la guerre en Irak était un désastre[17].
Deux jours après, Blair montre une inflexion lorsqu’il évoque, le 20
novembre, au Pakistan, une approche différente de la lutte
antiterroriste, mettant en avant la puissance douce de l'aide économique
et de la diplomatie face à la puissance militaire. Au même moment,
l'ancien secrétaire d'État américain Henry Kissinger affirme, dans une
interview à la BBC, qu'une victoire militaire en Irak n'est plus possible
et Kissinger appelle les pays de la région, dont l'Iran, à intervenir
pour mettre un terme aux violences. Il a mis en garde contre un retrait
rapide des troupes de la coalition, qui pourrait déstabiliser les voisins
de l'Irak et créer un long conflit. « Un effondrement rapide de
l'Irak aurait des conséquences désastreuses.(…) Nous devons redéfinir
le cours de la trajectoire, mais je ne crois pas en l'alternative entre
une victoire militaire et un retrait total », explique l’ancien
secrétaire d’Etat. An Appeal for Redress
from the War in Iraq Une
pétition appelant au retrait d'Irak a déjà été signée par plusieurs
centaines de militaires et sera présentée
formellement en janvier 2007, au Congrès. « En tant qu'Américain
patriote et fier de servir le pays, j'appelle les dirigeants politiques au
Congrès à soutenir le retrait rapide de toutes les forces et bases
militaires américaines d'Irak. (…) Rester en Irak ne marchera pas et
n'en vaut pas le prix. Il est temps pour les troupes américaines de
revenir à la maison », affirme le texte de cette pétition publiée
sur le site web wwww.appealforredress.org. Le texte est signé par
plusieurs centaines de militaires, indique les responsables de cette
campagne lancée à l'initiative de militaires basés dans la région de
Norfolk (Virginie, est). Les noms des signataires n'ont
pas été rendus publics en raison des restrictions qui encadrent
l'expression de leurs opinions par les militaires. La loi aux États-Unis
autorise les militaires à exprimer leurs griefs concernant les
agissements de leur hiérarchie auprès de leur représentant au Congrès
et elle les protège contre d'éventuelles représailles. "De
nombreux soldats sont préoccupés par la guerre en Irak et sont pour le
retrait des troupes américaines. L'Appel au changement fournit un moyen
aux militaires de réclamer aux parlementaires la fin de l'occupation
militaire américaine", écrivent les auteurs de la pétition sur le
site web. L'appel est soutenu par des organisations antiguerre : les
Anciens combattants d'Irak contre la guerre (IVAW), les Anciens
combattants pour la paix (VFP) et Les familles de militaires parlent.
Selon le journal local, The Virginian-Pilot, le leader de la pétition est
Jonathan Hutto, un marin qui sert sur le porte-avions Theodore-Roosevelt,
dont le port d'attache est Norfolk. Cette pétition a été lancée alors
que la guerre en Irak constitue le thème central des élections
parlementaires américaines. 4/ Bush, de l’extension au
confinement Face à la menace Washington,
après l’échec de la phase contre la prolifération ainsi que la phase
de persuasion par la dissuasion rationnelle, passerait à la troisième
phase et adoptera peut être deux démarches parallèles. Le premier est
la démarche barricade à travers le programme anti-missiles et le deuxième
est une démarche d’élimination par le barrage d’entrée. Il s’agit
d’une appropriation de l’espace en le déniant aux autres selon les
termes de la théorie des Jeux. A/ Le barricade L’administration
Bush adapte tout d’abord sa stratégie à la menace nord-coréenne par
le renforcement du programme de défense anti-missile. A la menace d’une
attaque de missile s’ajoute une autre : celle que l'arme nucléaire
se retrouve entre les mains de terroristes qui s'en serviraient pour une
action d'une toute autre ampleur que les attentats du 11-Septembre, a
aussi inspiré au président George W. Bush ce qui pourrait bien être un
nouveau principe de stratégie nationale :placer la Corée du Nord et ses
éventuels alliés devant leurs responsabilités. L'Acte pour la sécurité
et la responsabilité de tous les ports, signé le 13 octobre 2006, impose
que les 22 ports les plus actifs soient équipés d'ici à la fin de l'année
de technologies de détection de matière radioactive. L'objectif à terme
est de contrôler la totalité des 11 millions de conteneurs qui
transitent chaque année par les ports américains. Cette promulgation n'a a priori
aucun rapport direct avec l'essai nord-coréen et participe, reflète
peut-être le principal danger mis en évidence par l'essai nord-coréen :
la mise en circulation par la Corée du Nord de matériel nucléaire,
danger plus grand qu'un tir vers le Japon ou la Corée du Sud. Le document
de stratégie pour la sécurité nationale, remis à jour en 2006, dit
qu'il existe « peu de menaces plus grandes que celle d'une attaque
terroriste avec des armes de destruction massive. Pour prévenir ou empêcher
de tels actes hostiles, les États-Unis
agiront préventivement si nécessaire. Bush, qui avait affirmé
par le passé qu'il ne "tolèrerait" pas que la Corée du Nord
ait la bombe et qui est inopportunément accusé d'un nouvel échec
diplomatique avant les élections, explique que ses déclarations"
restaient valables ». Mais ses propos sur la responsabilité de la
Corée du Nord, délibérément imprécis, paraissent tracer la ligne
rouge dont tous les experts se demandent à présent où elle se situe.
L'administration est en train de passer d'une politique de non-prolifération
à une politique de défense écrit dans le New York Times, Scott Sagan[18].
D’autres spécialistes comme Charles Krauthammer[19],
qui parle des nostalgiques de la dissuasion de la guerre froide, explique
que nous sommes dans une seconde forme de dissuasion après celle mise en
oeuvre face à l'URSS. Cette forme suppose d'être en mesure d'établir la
traçabilité du matériel nucléaire pour remonter à son origine, tâche
ardue. Cela requiert la coopération des voisins de la Corée du Nord.
Derek Mitchell[20],
s'interroge sur la détermination de la Corée du Sud à cet égard et
souligne la différence de ses intérêts avec les États-Unis . Jon
Wolfsthal[21]
de son côté prévoit que la Corée du Nord jouera de l'inquiétude
terroriste pour faire chanter les États-Unis . B/ Le barrage La possible menace de la part
d’une puissance nucléaire pousse Washington à anticiper la phase
d’appropriation de l’espace. Cette phase vise essentiellement des
acteurs comme Moscou et Pékin. Ces concurrents potentiels sur le marché
de l’espace ont chacun son programme spatial. Le jeu consiste donc à
barrer l’entré à ces possibles concurrents avant même que le marché
ne soit déclaré ouvert. C’est ce que l’administration Bush appelle
la liberté d’action. En effet, le président américain George Bush
adopte, le 18 octobre 2006, la nouvelle stratégie spatiale qui prône la
liberté d'action des États-Unis permettant à Washington de se donner le droit à interdire,
si nécessaire, l'espace à tout pays hostile aux intérêts américains.
Le document stratégique ne défini, toutefois, pas les critères selon
lesquels un pays peut être classé hostile aux intérêts américains.
« La sécurité nationale des États-Unis
est dépendante de manière cruciale des moyens dans l'espace et
cette dépendance va s'accroître », note le document stratégique
publié par la Maison Blanche. Cette nouvelle
stratégie représente un changement avec une vision unilatéraliste américaine.
Dans cette stratégie, Washington cherche à établir leurs droits mais ne
reconnaissent pas les droits des autres pays. Les Américains sont les
seuls capables d'utiliser les moyens satellitaires pour des opérations de
combat et le font de mieux en mieux si l'on compare l’évolutions des
moyens mis en œuvre durant les récentes guerres comme celle du Golfe,
des Balkans, d'Afghanistan et d'Irak. Mais la suprématie des États-Unis
pourrait à l'avenir être menacée par d'autres pays comme la
Chine ou la Russie. Les progrès de Pékin étaient pour l'instant limités
et le resteraient mais dans les années à venir les choses peuvent
changer. La Russie et la Chine soutiennent une interdiction des armes dans
l'espace, mais il semble clair que les Chinois en même temps envisagent
des moyens de nuire aux capacités américaines dans l'espace. Une menace
sur laquelle Donald Rumsfeld avait insisté, avant qu'il ne devienne secrétaire
d’Etat à la Défense, en appelant à mieux protéger les intérêts américains
pour éviter un possible Pearl Harbor de l'espace. Echec
de la CIA Les services de renseignement américains manquent
d'informations sur la Corée du Nord, l’un des pays les plus fermés de
la planète depuis 50 ans. Ces lacunes sont d'autant plus problématiques
que l’essai nucléaire de Pyongyang a eu l’effet de surprise. « Il
y a beaucoup de choses sur la Corée du Nord que nous ne connaissons pas
(...) Les Etats-Unis manquent d'informations cruciales qui sont nécessaires
aux experts pour écrire leurs analyses avec assurance », écrit la
commission sénatoriale sur le renseignement, dans un rapport rendu public
quelques jours avant l'annonce du test nord-coréen. Le rapport, intitulé
"Reconnaître la Corée du Nord comme une menace stratégique: un défi
pour les Etats-Unis en matière de renseignement", s'inquiète des
lacunes des services de renseignement américains alors que la Corée du
Nord est "une menace stratégique potentielle qui nécessite pour les
Etats-Unis des renseignements de haute qualité pour se préparer aux
provocations nord-coréennes et évaluer les intentions de
Pyongyang". Dans un éditorial, le New
York Times[22],
s'est inquiété des lacunes en matière de renseignement: "Il n'y a
pas de solution militaire, notamment parce que les experts du
renseignement n'ont pas idée où Pyongyang cache ses laboratoires
d'armement ou ses stocks de plutonium". "Vous ne pouvez pas avoir des renseignements qui dépassent
les capacités technologiques", estime Anthony Cordesman, expert au
Center for Strategic and International Studies (CSIS). Michael Levi,
expert au Council on Foreign Relations, est lui aussi prudent sur les
lacunes du renseignement américain sur la Corée du Nord et il doute que
celui-ci puisse procéder à "des améliorations réalistes"."Les
Etats-Unis ont une bonne connaissance des capacités militaires
conventionnelles de la Corée du Nord car il s'agit d'équipements et de
gens qui ne peuvent pas être cachés. En ce qui concerne le programme
nucléaire, c'est plus difficile", estime-t-il."Le renseignement
américain concernant le plutonium est bien meilleur que le renseignement
sur l'enrichissement d'uranium. C'est le reflet des réalités techniques.
Le plutonium nécessite un gros réacteur nucléaire, ce qui n'est pas le
cas pour l'enrichissement de l'uranium", relève-t-il.Selon lui,
"la chose la plus difficile à comprendre sont les intentions
nord-coréennes". "Il est très difficile de pénétrer les
cercles dirigeants très fermés", souligne-t-il."Le monde a
passé beaucoup de temps à essayer de comprendre les intentions soviétiques
et la société soviétique, et il est encore sous le choc de
l'effondrement de l'Union soviétique", relève M. Levi. Et pourtant
"l'Union soviétique était plus ouverte que la Corée du Nord. Moscou renforce sa position Guerre civile en Irak et enlisement américain dans
ce pays, sentiment croissant d’une défaite occidentale en cours en
Afghanistan, échec israélien au Sud-Liban, essai nucléaire nord-coréen
et le défi de l’Iran sont des facteurs qui affectent en plein fouet
l’image de Washington et affaiblissent sa position dans le Moyen-Orient.
Ces mêmes facteurs élargissent le champs devant Moscou et Pékin alors
que l’Europe reste hésitante et son rôle se limite aux aides
logistique ou économiques sans vraiment peser dans la balance des décisions
concernant le Moyen-Orient. C’est ce qui s’opère par la Chine au
Soudan et par la Russie en Iran sans oublier les accords de coopération
nucléaire entre l’Egypte, la Russie et la Chine. Une éventuelle alliance nucléaire entre l'Egypte
et l'un des géants russe et chinois est une mauvaise surprise pour
Washington, l’allié majeur de l'Egypte. "Les Egyptiens savent que
cette démarche peut irriter les États-Unis, mais ils ne veulent pas être sous la coupe américaine dans cette affaire-là",
explique Emad Gad, du Centre al-Ahram pour les études politiques et stratégiques.
Parmi les arguments qui pousseraient l'Egypte dans les bras de la Chine et
de la Russie, on trouve une technologie abordable et des matières premières
disponibles. Pourtant les Américains se sont empressés de proclamer en
septembre 2006, leur soutien au projet égyptien, quelques heures à peine
après l'annonce officielle par le Caire de la reprise du programme nucléaire,
lors du quatrième congrès du parti national au pouvoir. L’Egypte sur la voie nucléaire En quête
d'énergie nucléaire, l'Egypte se tourne vers la Chine et la Russie. Le
Caire , qui a annoncé la relance de son programme nucléaire civil après
un gel de 20 ans, décide de solliciter l'aide de la Chine et de la
Russie, au risque d'irriter son allié américain. Le président égyptien
Hosni Moubarak se rend à Moscou puis à Pékin durant la première
semaine de novembre 2006, pour des visites officielles, au cours
desquelles il discute de cette question. Il est accompagné notamment du
ministre de l'Electricité, Hassan Younes."L'aide possible que la
Chine pourra apporter à l'Egypte pour son programme nucléaire civil afin
de générer de l'électricité sera au menu des discussions", déclar
le chef de la diplomatie Ahmed Aboul Gheit. De son côté, le journal
gouvernemental Al-Goumhouriya affirme que M. Moubarak examine en Russie
"la possibilité de profiter de l'expertise russe dans le domaine
nucléaire pacifique". Reflétant les bonnes dispositions de son pays
à cet égard, l'ambassadeur de Chine au Caire, Wu Sike, explique à la
presse locale que Pékin "soutient le droit de l'Egypte à utiliser
l'énergie nucléaire pacifique", tout en se félicitant de relations
bilatérales "parfaites". L'Egypte, qui avait lancé dans les
années 1950 son programme nucléaire, dispose d'un centre de recherche à
Inchass, au nord du Caire, doté d'un réacteur russe et d'un autre
argentin. A la fin des années 1970, le pays avait voulu construire huit
centrales nucléaires pour produire de l'électricité, mais n'en a
finalement réalisé aucune. Son programme est gelé depuis la catastrophe
de la centrale ukrainienne de Tchernobyl, en 1986. Selon M. Aboul Gheit,
son pays cherche désormais à se doter d'au moins une centrale nucléaire
pour générer de l'électricité d'ici 10 ans. Mais le Caire, signataire
du Traité de non prolifération nucléaire (TNP), tente de rassurer une
communauté internationale échaudée par le programme iranien en cours,
en assurant qu'il importerait l'uranium enrichi.
L’option nucléaire du Japon Le Japon est techniquement capable de fabriquer une bombe
atomique, mais cette éventualité est un sujet pratiquement tabou dans le
seul pays du monde à avoir subi le feu nucléaire, à Hiroshima et
Nagasakien1945. Le Japon s'est engagé à ne jamais "posséder,
produire et stocker" d'armements nucléaires sur son territoire. En
1964, la Chine communiste rejoint le club nucléaire et devient la 5ème
puissance nucléaire. Le test chinois de Lop Nor joue un rôle majeur dans
la volonté indienne de développer son programme nucléaire (sous l’œil
fermé de Washington). Le Pakistan par effet en chaîne et dans un jeu
d’ambiguïté régionale
nucléarise le sud asiatique. Après l’essai nord-coréen, ce scénario
risque-t-il se reproduire ? Le japon puissance nucléaire virtuelle
met son arme nucléaire en option[23].
L'un des dirigeants du parti au pouvoir au Japon, Shoichi Nakagawa,
appelle à un débat sur la possibilité de se doter de la bombe atomique,
estimant qu'il s'agit d'"une option" pour le pays face à la
menace nord-coréenne, tout en s'y déclarant lui-même opposé."
Pour s'assurer que le Japon ne sera pas attaqué, on peut arguer que
devenir une puissance nucléaire est une option", déclare, lors d'un
débat télévisé M. Nakagawa, qui dirige le conseil politique du Parti
libéral démocrate (PLD),la grande formation de la droite japonaise au
pouvoir. "Je ne suis pas partisan de cela. Nous ne nous doterons pas
de l'arme nucléaire. Mais on doit pouvoir en discuter". L’échelle
ouverte de la prolifération
La démarche visant à comprendre la perception américaine
de la chose nucléaire, mène à poser la question relative à la nature
dont sont faites les politiques américaines. La réponse à cette
question apporte des éléments de réponse concernant le comment
Washington perçoit sa puissance et comment les administrations agissent
en conséquence. Washington considère que la dissuasion est un succès et
son échec relève de l’ordre de l’impensable. Mais le regard en retro
de la politique américaine montre que Washington est passé à une troisième
phase dans l’évolution de sa politique envers les armes nucléaires.
Les États-Unis qui échouent
dans leur première phase : une politique anti-prolifération par une
norme internationale comme le TNP. Washington se trouve, dans sa deuxième
phase de persuasion, confronté à la difficulté de la doctrine de
dissuasion. L’administration américaine accélère alors le rythme et
passe à la troisième phase : la défense contre des menaces
grandissantes. Dans sa démarche, Washington, après la vague
d’extension globale accompagnée par l’opposition à la prolifération,
sa vision de dissuasion rationnelle, issue de la guerre froide, se stagne
avant de se rétrécir et se confiner dans une tendance défensive. La
politique globale de Washington montre que le raisonnement américain
s’appuie sur une logique de linéarité Dans cette logique l’Amérique voit les choses en noir ou
blanc et la linéarité donne l’équation selon laquelle A mène systématiquement
à B. Or, depuis les années 60 du siècle dernier, ce n’est pas le cas
et il y a des nuances et même de toutes les couleurs. Washington passe
d’abord par la conception d’un traité de non-prolifération en 1968.
Cette norme devait mettre fin, selon la linéarité washingtonienne, à
toute initiative de prolifération nucléaire. L’histoire prouve le
contraire et cette politique échoue dans son objectif de contrer la
prolifération. Cette phase montre ses limites car Washington au lieu
d’ouvrir grand les yeux a
joué le rôle de l’œil fermé sur le programme nucléaire israélien
et ensuite indien. Les faiblesses de la conception d’une norme
internationale contre la prolifération ont aboutit à l’irréversible
prolifération. Entre 1970 et 2000, le monde passe de 6 à 7 et puis à 8
puissances. Depuis octobre 2006, le nombre est passé à neuf sur l’échelle
ouverte de la prolifération. Le raisonnement américain, qui ne prend pas
en compte la circularité du jeu d’interaction, aboutit à sa confiance
parfaite dans la conception d’une politique basée sur la dissuasion
dite rationnelle. Après le Pakistan, en 1998, cette conception montre à
son tour des faiblesse et a même poussé certains acteurs étatiques à défier
cette orientation comme les Nord-coréens Kim Il-Sung puis Kim Jong-Il,
l’irakien Saddam Hussein ou encore l’iranien Ahmadinejad. Les craintes américaines sont fondées. Basées sur la
perception de la menace, elles sont le reflet d’une réalité : la
réalité est que la prolifération est en marche. En revanche, la
conception linéaire de Washington prend de plus en plus du retard pour
contrer la prolifération nucléaire. La deuxième réalité concerne l’échec
de la dissuasion rationnelle envers les pays en voie de nucléarisation.
Cette politique est souvent à l’origine des scénarios préétablis qui
n’accordent pas d’importance aux facteurs ou aux variables qui régissent
les situations lors de la réalisation. Ces scénarios sont mis à exécution
et suivis sans être révisés si la situation l’exigeait. Avec cette
linéarité, lorsque Washington met en place le scénario de chute de
Saddam Hussein ne prend pas en considération les conséquences de cette
chute dans une région qui se définit par sa particularité historique.
Depuis, la puissante Amérique peine à rétablir l’ordre en Irak et
encore moins en Afghanistan. La dissuasion ne fonctionne pas et les
combattants armés à Bagdad et à Kaboul donnent l’exemple à
d’autres groupes armés comme le Hamas palestinien ou le Hezbollah
libanais. Ce scénario de linéarité qui échoue à dissuader la Corée
du Nord et qui échoue face à la question du programme nucléaire
iranienne, donne naissance à la formation du croissant chiite allant du
Liban à l’Iran en passant par la Syrie et l’Irak. Les États-Unis
qui naviguent entre l’hésitation et la non clarté de leurs
politique moyen-orientale et notamment le conflit israélo-palestinien,
assistent impuissants devant le déroulement des crises majeures et
notamment les groupes armés comme c’est le cas en Irak, en Afghanistan
ou au Sud Liban. Au Moyen-Orient, la position américaine,
privilégié depuis plus de 50 ans, accuse alors une cascade d’échecs.
Les régimes modérés, sur lesquels s’appuie Washington sont de leur côté
très isolés comme celui de Moubarak en Egypte ou les rois d’Arabie et
de la Jordanie. L’opinion publique arabe dans ces pays est largement
critique à l’égard de ces régimes et profondément hostile envers la
politique américaine. « L’opinion publique israélienne quant à
elle, devient, pour la première fois, largement critique sur
l’impuissance des États-Unis dans la région et sa gestion des dossiers
Majeurs et notamment nucléaire au Moyen-Orient », écrit Gideon
Levy, dans Haaretz du 17 octobre
2006, sous le titre : The
mystery of America. * Journaliste à EuroNews,
Docteur en Science politique, auteur du livre : Israël
et la bombe atomique, la face cachée de la politique américaine,
Paris, l’Harmattan, 2006. [1] Jeffrey T. Richelson, Spying on the Bomb: American
Nuclear Intelligence from Nazi Germany to Iran and North Korea, New
York, W.W. Norton, 2006. [2] The
Baruch Plan (Presented to the United Nations Atomic Energy Commission,
June 14, 1946). Source : Nuclear Age Peace Foundation, Nuclear Files
Documents, Barush Plan. [3] Avner
Cohen, “Israel and the Evolution of the US Nonproliferation Policy,
The Critical Decade, 1959-1969”, Center for Nonproliferation
Studies, The Nonproliferation Review, Vol. V, N. 2, hiver 1998. [4]
Le président iranien Mahmoud Ahmadinejad déclare, le 11 avril 2006,
à la télévision iranienne, que l'Iran va rejoindre prochainement le
club des pays qui ont la technologie nucléaire. [5] Gordon Corera, Shopping for Bombs: Nuclear
Proliferation, Global Insecurity, and the Rise and Fall of the A.Q.
Khan Network, Oxford University Press, septembre 2006, 304
pages. [6] State Department Telegram for
Governor Harriman from the Secretary,
February 27, 1965. Source :
National Security Archive, Subject-Numeric File, 1964-1966; Central
Files of the Department of State, Record Group 59; National Security
Archive, Washington, D.C. [7] State
Department Cable, “Possible Indian Nuclear Weapons Development”,
March 29, 1966 (secret). Source : National Security Archive,
Subject-Numeric File, 1964-1966; Central Files of the Department of
State, Record Group 59; National Security Archive, Washington, D.C. [8] Anticipatory Action Pending
Chinese Communist Demonstration of a Nuclear Capability. By
George G. McGhee. 13 septembre 1961. Source : National Security
Archive. (Voir la fin du 4ème paragraphe de la 2ème page). [9] Le Monde, 10 octobre 2006 (page 2). [10] Public
Papers of the Presidents of the United States:
John F. Kennedy (Washington, D.C, U.S. Government Printing Office,
1964), p. 280. [11]
Né le 9 juillet 1932, il étudie
à l'université de Princeton et servi comme pilote dans l'aéronavale.
Champion de lutte, il est élu à 30 ans représentant au Congrès,
puis il devint ambassadeur américain à l'Otan (1973-1974), avant d'être
secrétaire général de la Maison Blanche sous Gerald Ford (1974-75),
secrétaire d’Etat à la Défense (1975-77) et candidat à
l'investiture du parti républicain pour la présidentielle de 1988. [12]
GlobalEurope Anticipation Bulletin, LEAP/E2020, N. 5, mai 2006. [13]
GlobalEurope Anticipation Bulletin, LEAP/E2020, N. 7, octobre 2006. [14]
La séparation des pouvoirs et la logique de « check and balance »
(contrôle et équilibre) fait que le Président et le Congrès n'ont
quasiment aucun pouvoir direct l'un sur l'autre. Ils sont donc condamnés,
lorsqu’ils appartiennent à des majorités opposées, soit à des
compromis, soit à paralyser tout l'appareil. [15] David E. Sanger, "Panel
to Weight Ouverture by U.S.to Iran and Syria", The New York Times, 27 novembre 206. [16] Durant le mois d’octobre 2006, 93 militaires américains sont
morts, annonce le commandement américain à Bagdad. Le mois d'octobre
est considéré comme l'un des plus meurtriers pour l'armée américaine
depuis l'invasion en mars 2003 de l'Irak, où sont déployés quelque
140.000 soldats américains. Depuis 2003, près de 2.816 soldats américains
et membres assimilés du personnel de l'armée sont tués en Irak,
selon un comptage de l'AFP fondé sur les chiffres du Pentagone. [17]
Sur la chaîne d’Al-Jazira en anglais. [18] Voir aussi à ce propos : Scott D. Sagan, How to Keep
the Bombe From Iran, Foreign Affairs,
septembre/octobre, 2006. [19] Charles Krauthammer,
The Obsolescence of Deterrence, Cold War
nostalgia grips the antiwar movement. Apparently they've forgotten
about the balance of terror, The weekly Standards, 12/09/2002, Vol. 8, N. 13. [20] Fred Bergsten, Bates Gill, Nicholas R. Lardy et Derek
Mitchell, China The
Balance Sheet: What the World Needs to Know Now about the Emerging
Superpower, Washington, PublicAffairs Books, 2006. [21] Jon Wolfsthal, 2004 Was a Difficult Year.
Will 2005 Be Any Better?, Northeast
Asia Peace and Security Project, janvier 2005. [22]
New York
Times, 10 octobre 2006. [23]
David
Cumin et Jean-Paul Joubert, Le Japon, puissance nucléaire, Paris,
l’Harmattan, 2003.
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