
Qui a dit que les Arabes sont
d’accord pour ne pas être d’accord ? Certes, division,
échec, boycott, accusations et autres sont des adjectifs utilisés
avant et après le sommet des leaders arabes à Damas le 29 et
le 30 mars 2008. Certes, aucun développement notable n'a été
enregistré lors de ce sommet. Mais, cela a été toujours le
cas lors des précédents sommets.
Certes, nous avons assisté à un sommet avec huit
leaders arabes absents et avec le boycott libanais. Mais tous
ces aspects ne sont pas nouveaux. Le sommet apporte tout de même
un fait sans précédent dans toute l’histoire des vingt
sommets organisés par la Ligue arabe durant les cinquante dernières
années : les dirigeants arabes s’auto-critiquent ouvertement.
L’aspect nouveau est l’apparition d’un
premier regard critique venant de l’intérieur même de ce
monde qui nous a toujours habitué à l’exagération et à la
langue de courtoisie. Tout d’abord, le Secrétaire général
de la Ligue arabe Amr Moussa qui s’adresse aux participants en
soulignant que le monde arabe a déjà dépassé le seuil de
division et celui du point critique et que ce monde commence à
entrer dans la phase dangereuse.
« En toute franchise, nous
souffrons d’une crise de confiance en nous et entre nous »,
a déclaré le Secrétaire général de la Ligue arabe, Amr
Moussa. « La situation est arrivée à un degré
insupportable de turbulences au niveau des relations
arabo-arabes », a-t-il ajouté. Moussa conclut :
« Dépasser les discordes arabo-arabes devient vital
pour ne pas trancher la question de "être ou ne pas être"
au profit de "ne pas être". » C’est
pendant ce discours que le guide libyen, Moamar Kadhafi, a mis
ses grosses lunettes de soleil.
Dans ce contexte, le sommet a été marqué
par l'absence des dirigeants des principaux alliés arabes de
Washington, l'Arabie saoudite, l'Égypte et la Jordanie, pour
protester contre le rôle syrien dans la crise au Liban Beyrouth
a boycotté ce sommet.
Le plus important dans ce sommet, c'est le
fait que les participants ont reconnu ouvertement l'existence de
divisions. Ils ont pris conscience des problèmes. On va même
jusqu’à souligner l’existence d’une haine entre les pays
arabes et le fait qu'il faille trouver un mécanisme pour le
surmonter.
Appelé à prononcer son discours, le guide
libyen Moamar Kadhafi, en tenue traditionnelle berbéro-africaine
s’est demandé : "Où est la dignité des Arabes,
leur avenir, leur véritable existence ?" - "Tout
a disparu" dit-il, "Notre sang et notre
langue ont beau être uns, il n'y a rien qui puisse nous unir."
"Comment pourrions-nous faire ça ? Nous nous haïssons
les uns les autres, nous nous voulons du mal les uns les autres
et nos services secrets conspirent les uns contre les autres.
Nous sommes notre propre ennemi."
Les chefs d’États arabes ont voulu être
concrets, et se sont contentés de "réitérer leur
attachement à l'initiative arabe pour le règlement de la crise
libanaise" et d'appeler les dirigeants libanais à élire
un président. Ils se sont, tout de même, mis d’accord
pour décider que le prochain sommet arabe se tiendrait en
2009 au Qatar.
Je constate, comme tout le monde, que le
sommet arabe de Damas est, comme les autres sommets, un échec
de plus. Mais le regard critique venant de la part de ses
dirigeants est un aspect à souligner. Le monde arabe commence
peut-être à se réveiller de son long sommeil historique.

Mohamed
Abdel Azim*
Lyon - France
Mohamed
Abdel Azim est docteur en Science politique, journaliste à
EuroNews, membre du Comité Directeur Newropeans
en charge des affaires méditerranéennes et arabes. Il est
l’auteur du livre : Israël
et la bombe atomique, la face cachée de la politique américaine,
Paris, publié aux éditions l’Harmattan, 2006.
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