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Newropeans Magazine

D’Osirak à Damas, un message à l’Iran: La discrétion PDF Print E-mail
Written by Mohamed Abdel Azim   
Thursday, 22 May 2008

Après un gel de huit ans, Israël et la Syrie ont annoncé, le 20 mai 2008, avoir engagé des négociations indirectes de paix sous les auspices de la Turquie.  Une route de paix qui s'annonce difficile car en plus de la question du rôle de la Syrie au Liban et sa relation avec l'Iran, Israël pose des conditions depuis son attaque surprise contre le réacteur nucléaire syrien en septembre 2007. Dans la région on dit que la route de la paix passe toujours par Damas. Mais l'Iran entend détourner cette route vers Téhéran, au moins de s'y associer. Reste alors la question du programme nucléaire iranien que Washington envisage de régler par la force avant la fin du mandat présidentiel de G. W. Bush. Quels sont les scénarii de l'avenir ?

Washington accuse Pyongyang et Damas d'avoir construit ensemble un réacteur nucléaire en Syrie. Un réacteur qui aurait été détruit le 6 septembre dernier par un bombardement israélien. L'installation n'était pas destinée à des fins pacifiques selon la Maison Blanche qui compare les infrasctucures nord-coréennes au bâtiment détruit en Syrie pour prouver la coopération des deux pays. Quelle est la visée de ces informations ?

Le New York Times révèle, le 14 octobre 2007, que le raid mené six semaines auparavant (le 6 septembre) en Syrie par l'aviation israélienne visait un site que les autorités et les renseignements israéliens soupçonnaient d'abriter un réacteur nucléaire en cours de construction. Les autorités israéliennes ont par la suite confirmé avoir mené un raid en Syrie, mais les deux pays se sont montrés très discrets sur le sujet[1]

Citant des sources américaines et étrangères ayant pris connaissance de ces renseignements, le Times précise, le 16 septembre 2007, que le réacteur en question semblait être du même modèle que celui qui a permis à la Corée du Nord du produire du plutonium utilisable à des fins militaires. Les installations semblaient en être à un stade de construction moins avancé que le réacteur irakien d'Osirak, détruit en 1981 par l'aviation israélienne au cours d'une opération similaire, précise le quotidien. L'administration Bush s’est montrée divisée quant au bien fondé de ce dernier raid.  

Certains membres de l’administration jugeaient que plusieurs années de travaux seraient encore nécessaires pour que la Syrie soit en mesure de produire du plutonium militaire. Le débat sur un possible raid israélien agitait l’administration Bush durant l'été 2007, note le Times. Les officiels cités se sont refusés à tout commentaire sur la responsabilité de Pyongyang dans un éventuel transfert de technologie qui aurait eu lieu quelques années auparavant. 

Le Président américain Bush n’a jamais été aussi silencieux sur un sujet que lors du mystérieux raid israélien qui a été effectué  en Syrie début septembre 2007. Six semaines après l’attaque, le président américain George W. Bush refusait toujours de commenter les informations sur ce raid aérien mené par Israël en Syrie contre un site nucléaire. Il affirme même qu'aucune "ruse" ne le ferait parler. « Ce n'est pas la première fois que je suis sur le gril », répond M. Bush à des journalistes qui tentent de l'interroger sur cette mystérieuse attaque.

M. Bush refuse également de dire s'il a approuvé le raid mené en juin 1981, par Israël contre le réacteur nucléaire irakien d'Osirak. « Je ne me souviens pas de ce que je faisais en 1980! Je vivais à Midland, Texas! Je ne me souviens pas de ma réaction parce que ça remonte à loin! », Le Président américain ajoute qu'à l'époque, il essayait "de gagner sa vie pour faire vivre sa famille". Ces déclarations interviennent alors que la Syrie dément des propos prêtés à l’ambassadeur américain aux Nations unies, qui aurait implicitement reconnu, lors d'une réunion à New York, que le raid avait visé un site nucléaire. Le quotidien américain New York Times (14 octobre 2007) citant des responsables américains et étrangers ayant eu accès à des rapports de services secrets, estime que l'Etat hébreu avait mené le raid pour montrer sa détermination à désamorcer tout projet nucléaire dans un pays voisin comme cela a été le cas 26 ans plutôt contre l’Irak.

En 1981, l’aviation israélienne détruit le réacteur nucléaire d’Osirak. En 2007, la thèse de la destruction d'un autre réacteur nucléaire en Syrie voit le jour. En effet, un raid israélien a lieu le 6 septembre 2007  contre des positions militaires en profondeur en Syrie. Cette thèse semble renforcée par les rares informations qui filtrent sur l'opération, alors qu'Israéliens et Américains font preuve de la plus grande discrétion. 

La presse, essentiellement américaine et britannique, distille depuis la date de ce raid des hypothèses, d’abord sur la nature de la cible, mais aussi sur le rôle de la Corée du Nord dans l'affaire, puis sur le message qu'a voulu envoyer Israël et enfin sur le degré d'implication des Etats-Unis.

« Nous ne commentons pas les révélations de la presse », explique la secrétaire d'Etat américaine, Condoleezza Rice, depuis Tel-Aviv où elle se trouvait dans le cadre d'une série de rencontres pour la tenue de la conférence sur la Paix au Moyen-Orient entre Israéliens et Palestiniens.

Le Washington Post du 21 septembre 2007, affirme qu’Israël avait partagé avec le président Bush des renseignements selon lesquels du personnel nord-coréen se trouvait en Syrie. Des révélations sur une éventuelle coopération entre la Syrie et la Corée du Nord auraient en effet risqué de mettre en péril les efforts américains pour le désarmement nucléaire du régime de Pyongyang.

Le New York Times affirme par ailleurs que l'administration Bush, informée du projet israélien de frapper cette installation nucléaire, était partagée. De son côté le journal britannique Telegraph  du 15 octobre 2007, souligne que la secrétaire d'Etat Condoleezza Rice ainsi que son homologue de la Défense Robert Gates se montraient particulièrement réticents, craignant les retombées d'une frappe préventive en l'absence de menace immédiate. Les sources citées par le quotidien américain New York Times indiquent que le site était dans un état beaucoup moins avancé que le réacteur d'Osirak détruit par Israël en 1981 en Irak, mais qu'Israël a voulu montrer sa détermination à désamorcer tout projet nucléaire dans un pays voisin. 

Une explication de la part de l'Etat hébreu sur l'objectif de ce raid restait absente. Ce raid avait d'abord été analysé comme une mise en garde à Damas de ne pas réarmer la milice chiite libanaise du Hezbollah, puis comme un message adressé indirectement à l'Iran. 

La thèse de la destruction d'installations nucléaires avait en tout cas été très vite avancée dans la presse, sans que soient éclaircis le rôle de la Corée du Nord et le type d'activités nucléaires visées. Certaines sources indiquaient même que les frappes israéliennes ne visaient pas un site dédié au nucléaire mais à des missiles. Un reporter israélien s'était rendu dans la zone du raid, affirmant que sa cible était une station de recherche sur les zones arides, tandis que le président syrien, Bachar el-Assad affirme que le raid avait frappé "un bâtiment militaire désaffecté". 

Le 25 septembre 2007, le quotidien Yediot Aharonot révèle que son correspondant militaire Ron Ben Yishaï s'est rendu dans la zone du raid aérien attribué à l'armée israélienne en territoire syrien.  « Ce que nous avons accompli, selon des sources étrangères, est très important (...). Nous avons ainsi franchi avec succès la première étape (des efforts) nous permettant de rétablir notre force dissuasive », déclare le ministre israélien des Affaires stratégiques, Avigdor Lieberman.  

En 1981, la destruction du réacteur irakien a eu pour conséquence de pousser les Irakiens encore plus sur la voie d’armement et la volonté de vengeance, comme en témoignent les missiles Scuds sur Tel-Aviv en 1991[2]. Il est évident qu’il n’y a aucune certitude que les efforts diplomatiques auraient pu convaincre Saddam de renoncer à son ambition et à son programme nucléaire. Mais après l’attaque israélienne avec des avions F-16 américains, sans le moindre doute, on peut avoir la certitude que Saddam Hussein ait tout fait pour porter des dommages aux Américains et à leurs alliés dans le Golfe. La suite on la connaît. ...(à suivre...)

Mohamed Abdel Azim
Lyon - France

 


Mohamed Abdel Azim est docteur en Science politique, journaliste à EuroNews, membre du Comité Directeur Newropeans en charge des affaires méditerranéennes et arabes. Il est l’auteur du livre : Israël et la bombe atomique, la face cachée de la politique américaine, Paris, publié aux éditions l’Harmattan, 2006.


[1] Le 24 avril 2008, Washington accuse Pyongyang et Damas d'avoir construit ensemble un réacteur nucléaire en Syrie. Quelques jours plus tard, le 28 avril 2008, lors d'une conférence de presse, le directeur de la CIA affirme que l'installation syrienne présumée être un réacteur nucléaire et bombardée par Israël en septembre avait la capacité de produire le combustible nécessaire à une ou deux bombes atomiques par an. "En l'espace d'un an après avoir atteint le plein régime, ils auraient produit assez de plutonium pour une ou deux armes", déclare Michael Hayden. Selon le directeur de la CIA le réacteur était "d'une taille et d'une technologie similaires" à celles du réacteur nord-coréen de Yongbyon.

[2] Donald Neff, “The U.S., Iraq, Israel and Iran : Backdrop to War”, Journal of Palestinian Studies, été 1991.

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Last Updated ( Thursday, 22 May 2008 )
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