La dissimulation du
raid
L’opération d’attaque contre le réacteur
nucléaire syrien rappelle celle contre le réacteur nucléaire
irakien en 1981. Mais pour l’opération de 2007, Israël
aurait manipulé les radars syriens pour dissimuler son raid aérien,
selon des experts cités par le site Internet du magazine spécialisé
Aviation Week.
Les avions de chasse israéliens ont
alors échappé à la vigilance des radars syriens grâce à un
système induisant en erreur les réseaux de détection syriens.
Selon des responsables militaires et des industriels de défense
américains, les F-15 et F-16 de l'armée israélienne
pourraient avoir été équipés du système "Suter"
d'attaque aérienne de réseaux, développé par le groupe
britannique de défense BAE Systems, qui équipe les
drones américains (avions sans pilote). Ce système a été
testé en Irak et en Afghanistan au cours de l'année, selon Aviation
Week. Cette technologie très avancée permet de localiser
les capteurs ennemis avec précision et de leur envoyer de
fausses informations et de fausses cibles, camouflant ainsi les
appareils en approche.
« La censure militaire a
autorisé pour la première fois à publier que des appareils de
combat israéliens ont attaqué un objectif militaire situé en
profondeur du territoire syrien », rapporte le 2
octobre 2007, la radio militaire israélienne. Cette dernière
confirme pour la première fois, après la levée de la
censure militaire sur cette opération, qu'Israël a bel et bien
mené une attaque aérienne en Syrie,
La levée de la censure sur cette
attaque est intervenue après un entretien accordé la veille
par le président syrien Bachar al-Assad à une chaîne de télévision
britannique dans laquelle il a pour la première fois reconnu
qu'une attaque israélienne avait visé un objectif militaire en
territoire syrien. Le président Bachar al-Assad déclare que la
Syrie se réservait « le droit de répliquer de différentes
façons" au récent raid israélien contre son
territoire."Répliquer ne veut pas dire missile contre
missile, bombe contre bombe », déclare le dirigeant
syrien dans une interview à la BBC le 01 octobre 2001.
"Mais si nous ripostions
militairement, nous serions en train de réagir conformément à
l'agenda israélien, ce que nous rejetons. Cela ne veut pas dire
que nous voulons dilapider les chances d'une paix dans un avenir
prochain", ajoute le président syrien.
Une
erreur d’interprétation ?
Un compte-rendu de débat à l'ONU prêtant
à l'ambassadeur de Syrie l'admission implicite que le raid aérien
israélien en Syrie visait un site nucléaire, était inexact
car entaché d'une erreur d'interprétation, affirme le
porte-parole de l'ONU Farhan Haq, le 17 octobre 2007.
« Il y a eu une erreur d'interprétation en
anglais des propos du délégué syrien, alors qu'il s'adressait
en arabe à la commission du désarmement de l'Assemblée générale
de l'ONU », déclare M. Farhan Haq. « L'interprète
a dit que le délégué syrien avait fait référence à une
attaque contre un site nucléaire, mais en réalité ce dernier
a dit: …Comme ce qui s'est passé le 6 septembre contre mon
pays… », indique M. Haq après audition de
l'enregistrement original du débat par des responsables de
l'ONU. « Il n'y a eu aucune utilisation du mot nucléaire »,
précise le porte-parole.
Les médias israéliens, se référant
à un compte-rendu de la séance publié sur
un site Internet de l'ONU, rapporte que le diplomate syrien
avait parlé d'un raid aérien sur une installation nucléaire.
« En outre, Israël est le quatrième exportateur
mondial d'armes de destruction massive et un violateur de
l'espace aérien d'autres pays et il a agi contre des
installations nucléaires, y compris dans son attaque du 6
juillet contre la Syrie », disait ce compte-rendu. Le
raid aérien israélien dans le nord de la Syrie a eu lieu en
fait le 6 septembre et non le 6 juillet. Les informations de la
presse israélienne ont entraîné un démenti officiel de
Damas. Les autorités syriennes soulignent qu'aucune
installation nucléaire n'existe dans leur pays.
La Syrie nie les propos prêtés à
son ambassadeur aux Nations unies, « Le ministère des
Affaires étrangères nie des informations diffusées par des médias
selon lesquelles l'ambassadeur de Syrie à New York (Bachar
al-Jaafari) a déclaré que le raid mené le 6 septembre
avait visé un site nucléaire », souligne un
communiqué du ministère syrien des Affaires étrangères, daté
du 17 octobre 2007. « Un
tel site (nucléaire) n'existe pas en Syrie »(…)
« La Syrie a déjà éclairci cette question »,
ajoute le communiqué.
La nature du raid israélien en Syrie
est officiellement inconnue. L'Etat hébreu a tout d'abord imposé
un mutisme total, avant de signifier le 2 octobre avoir attaqué
un "objectif militaire", sans apporter plus de
détails. La veille, le président Bachar al-Assad avait assuré
que l'action menée par l'armée israélienne avait frappé un bâtiment
militaire non utilisé. C’est
le quotidien américain New York Times, qui
le premier, a évoqué le fait qu'Israël avait visé un
site soupçonné d'abriter un réacteur nucléaire en cours de
construction, copié sur une centrale nord-coréenne.
La thèse de la destruction d'installations nucléaires avait été
très vite avancée en dans la presse anglo-saxonne, sans que
soient éclaircis le rôle de la Corée du Nord et le type
d'activités nucléaires visées. Melissa Flemming, la
porte-parole de l'Agence internationale de l'énergie atomique
(AIEA) affirme de son côté : « ne pas disposer
d'informations sur un réacteur nucléaire non déclaré en
Syrie.(…) Nous n’avons 'a pas d'informations sur
quelque centre nucléaire non déclaré que ce soit en Syrie »,
indique l’AIEA.
Les Syriens ont toujours nié que la
cible bombardée par Israël était un réacteur nucléaire en
construction. Ils préfèrent affirmer qu'Israël a pris toute
cette peine pour bombarder un entrepôt militaire vide.
Washington
se trouve face à un dilemme important : celui de choisir
une nouvelle cible d’attaque.
Entre la Syrie et l’Iran quel est le pays qui représente
le plus d’intérêt à être le nouveau méchant dans la région ?
Telle est la question que l’on peut se poser. Beaucoup font le
pari de l’Iran, mais vu du Moyen-Orient, il ne faut parier ni
sur l’un ni sur l’autre car Bush ne dispose d’aucun élément
en sa faveur pour mener quelconque attaque.
Mohamed
Abdel Azim*
Lyon - France
Mohamed
Abdel Azim est docteur en Science politique, journaliste à
EuroNews, membre du Comité
Directeur Newropeans
en charge des affaires méditerranéennes et arabes. Il est
l’auteur du livre : Israël
et la bombe atomique, la face cachée de la politique américaine,
Paris, publié aux éditions l’Harmattan, 2006.
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