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Newropeans Magazine

 

Kosovo : Poutine rend la Russie prête, attention turbulences régionales (2/2) PDF Print E-mail
Written by Mohamed Abdel Azim   
Wednesday, 20 February 2008

  • Le bouclier et la menace nucléaire


    En juin 2007, l'OTAN et les États-Unis ont dénoncé la menace formulée par Vladimir Poutine, de pointer des missiles sur des cibles européennes si Washington ne renonce pas à son projet d'installer des éléments de son bouclier antimissile en Pologne et en République tchèque. Durant plusieurs mois, les États-Unis tentaient, sans succès, de convaincre Moscou que leur projet de défense antimissile est dirigé contre des États «voyous» comme l'Iran et la Corée du Nord.

    Il n’y a donc plus de continuité dans la lignée des dirigeants russes. C’est aussi le début de la fin de la philosophie de l’armistice nucléaire ou de l’arms control et de la stabilisation de l’équilibre stratégique. Fragile certes, mais cet équilibre précaire a stabilisé les relations entre les deux puissances durant les années soixante et soixante-dix du siècle dernier. Quinze ans après l'effondrement de l'Union soviétique et la fin de la Guerre froide, la Russie sent l’encerclement et voit d'un très mauvais oeil l’extension de l'Otan vers l'Est. Les bases américaines se multiplient à ses portes, de la Roumanie au Kirghizstan. « Regardez simplement la carte, la défense antimissile mondiale américaine est en train d'être déployée le long du périmètre de la Russie, et aussi, incidemment, de la Chine » relève  M. Lavrov, le ministre russe des affaires étrangères.

    En juin 2007, le président russe tient des propos jamais entendus depuis la fin de la guerre froide. Il déclare, devant un groupe de journalistes lors du G8 : « il est évident que si une partie du potentiel nucléaire stratégique des États-Unis est en Europe et que nos experts militaires y voient une menace pour nous, nous devrons réagir. (…) Nous aurons de nouvelles cibles en Europe.» Ainsi, Poutine fait usage du langage de la menace avec l’évocation et la référence aux missiles russes. Ces derniers viseraient des cibles européennes et pourraient être dotés d'armes nucléaires.

    Le président Poutine donne alors de l’importance aux propos menaçants exprimés quelques jours auparavant par les chefs de l'armée russe, lorsque, le 30 mai 2007, la Russie teste un nouveau missile intercontinental à têtes multiples. Ce missile est conçu pour traverser le bouclier américain. Les Russes considèrent que l’installation de ce bouclier est une course ouverte aux armements. Ils attribuent la responsabilité de cette course aux gestes américains.

    La question du bouclier anti-missile américain divise les Européens. Elle est aussi source de divergence entre eux et les États-Unis au sein de l'OTAN. Ce projet a aussi des détracteurs en République tchèque. Plusieurs centaines d'opposants manifestent souvent et bruyamment  à Prague notamment avant la visite du président Bush.

    Le 8 février 2008 et lors de son intervention de près d'une heure, que Poutine  critique vivement « l'expansion militaire des États-Unis et de l'OTAN aux frontières de la Russie ». un an après Munich, le président russe semble ne toujours pas digérer la décision américaine de déployer les intercepteurs de missile en Pologne et un radar en République tchèque.

    Avec des constatations telles que : « l'OTAN s'élargit, rapproche son infrastructure militaire de nos frontières » et d’autres telles que : «  nous avons liquidé nos bases à Cuba et au Vietnam. » Poutine se pose la question suivante : qu'avons-nous eu en échange ? ». Il tire la conclusion selon laquelle « il y a de nouvelles bases américaines en Roumanie et en Bulgarie. Des éléments du bouclier antimissile seront déployés en Pologne et en République tchèque ». Poutine enfonce le clou de la fierté russe et déclare : « la Russie aura toujours une réponse aux nouveaux défis ». (…) « La Russie doit développer de nouvelles armes dont les caractéristiques seront les mêmes ou plus sophistiquées que celles dont disposent plusieurs États ».

    La course aux armement est peu à peu lancée. Cette fois La Russie n’a plus rien à perdre mais elle a tout à gagner disent les conseillers du Kremlin. Le tout reste à trouver le moment de placer la Russie sur des orbites stables. La question iranienne donne aux Russes cette possibilité. L’Iran, conscient de l’importance de cette question, avance avec confiance son programme nucléaire et lance l’opération de la construction d'une deuxième centrale atomique avec l’aide de la Russie. Cette information a de l’importance dans le contexte régissant la relation entre Moscou et Washington. Elle est annoncée le jour même où Poutine lance ces menaces envers l’Occident.

    Menaces non voilées

     

    Avec ces menaces, le message est donc clair. Il rappelle les menaces formulées par Moscou lors de la guerre de 1956 menée par la France et la grande Bretagne en impliquant Israël contre l’Egypte. En 1956, Moscou menace, pour la première fois, de brûler Paris et Londres et exige le retrait des troupes israéliennes du Sinaï occupé en quelques jours. Washington intervient, Israël se retire et la guerre touche à sa fin. Cette fois, Poutine envoie deux messages et vise à la fois les Américains et les Européens. Il y a d’une part un message envers Washington pour l’arrêt du projet de bouclier antimissile en Europe. Puis, il y a aussi un message envers les Européens avec le soutien de l’indépendance du Kosovo. Autrement-dit on entre d’ores et déjà dans une ère nouvelle caractérisée par des turbulences qui risquent d’avoir des implications sans précédent. Ces turbulences s’annoncent sur la zone de l’Iran, du Kosovo et de la Pologne. Le Kosovo pourrait alors créer un précédent pour des conflits gelés. C’est à dire le Kosovo déclenchera des tensions en chaîne certainement en Abkhazie en Ossétie et au Haut-Karabakh, sans oublier les conséquences directes sur l’Union européenne en ce qui concerne la Grèce et Chypre. Cela signifie aussi que les missiles intercontinentaux à têtes multiples, conçus pour traverser le bouclier américain, peuvent frapper des cibles en Europe. Nous voici devant des scénarios qui annoncent la couleur des années à venir dans lesquelles l’Europe subit encore une fois de plus les conséquences de sa myopie chronique qui l’empêche de se placer correctement sur l’échiquier des rapports internationaux sans toujours subir les mauvaises humeurs entre Moscou et Washington. On a alors tendance à dire : ho, les Européens, réveillez-vous !

Mohamed Abdel Azim*
Lyon - France

 
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