Newropeans Magazine

 

La Russie passe la porte du Moyen-Orient PDF Print E-mail
Written by Mohamed Abdel Azim   
Monday, 26 February 2007

 

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Image Lorsque la secrétaire d'Etat américaine Condoleezza Rice, organise une rencontre entre le Premier ministre israélien Ehud Olmert et le président palestinien Mahmoud Abbas, le 19 févier à Jérusalem, elle se garde de tout excès d'optimisme au vu du fossé séparant Israéliens et Palestiniens après sept ans de violences. L’administration Bush s’active afin de trouver une issue à l’impasse dans laquelle se trouve le processus de paix au Moyen-Orient. Alors que l’Amérique rencontre des difficultés dans ses actions et sa politique extensionnelle, la Chine, qui soutient la Corée du Nord, opère en Afrique. La Russie, quant à elle, qui soutient l’Iran et la Syrie,  commence à revenir en force dans le Moyen-Orient et propose à l’Arabie Saoudite une aide nucléaire.

Les Etats-Unis  mènent des efforts intensifs alors qu’ils se trouvent eux-mêmes fortement confrontés à un début de frictions majeures avec la Russie.  Moscou se place peu à peu sur le terrain du Moyen-Orient. Ce terrain qui lui échappe depuis plus de 50 ans est parmi d’autres dossiers de discorde entre les deux superpuissances. Le temps presse pour Washington qui donne l’impression d’un joueur qui souhaite marquer un but avant la fin du match. Cette accélération du rythme américain intervient alors que les plans d’attaques contre Téhéran se précisent.

Les Etats-Unis sont loin de trouver des règlements à tous les dossiers majeurs comme celui du programme nucléaire nord coréen ou encore celui de Téhéran. Washington connaît  des difficultés majeures en Irak. Tony Blair, le principal allié de Bush, annonce le départ de 1600 soldats britanniques, le quart des effectifs militaires stationnés au sud de l’Irak. Alors que la guerre civile entre sunnites et chiites se généralise en Irak, les forces de l’OTAN ont de plus en plus de difficultés face aux Talibans afghans. De plus, la guerre oubliée au Darfour ou celle sévissant en Somalie s’ajoutent aux zones de conflits que l’ONU n’arrive pas à contenir. Le constat montre que Washington agit dans un monde qui se dirige tout droit vers une zone de crise systémique majeure,  qui ne cesse de s’aggraver et qui risque d’avoir des conséquences négatives sur l’avenir et la stabilité de ce système international.

De Amman, le président russe Vladimir Poutine, le 13 février, s'en prend à nouveau aux Etats-Unis les accusant d'agiter "la menace" russe afin d’obtenir des fonds de la part du  Congrès en vue de mener leurs guerres en Irak, en Afghanistan, mais aussi pour construire un bouclier antimissile en Europe. M. Poutine s'exprime juste avant de décoller pour Moscou au terme d'une visite de trois jours au Moyen-Orient. Quelques jours auparavant, en Allemagne, un pays symbolique qui préside l’Union Européenne, Poutine critique ouvertement l’unilatéralisme américain. A Munich, le président russe ait prononcé un véritable réquisitoire contre les Etats-Unis, les accusant de "déborder de leurs frontières nationales dans tous les domaines" et de créer une situation telle que "personne ne se sent plus en sécurité dans le monde".

En 2005, M. Poutine avait été le premier dirigeant russe à se rendre en Israël et dans les territoires palestiniens. A la veille de son périple au Moyen-Orient, il a dressé un violent réquisitoire contre la politique de domination "déstabilisatrice" des Etats-Unis. Moscou avance lentement mais sûrement. Elle a déjà Téhéran et Damas comme alliés. Poutine s'efforce de réimposer la Russie sur la scène internationale après une longue éclipse dans la foulée de la disparition de l'URSS. Lorsque Poutine entame sa tournée régionale qui le mène à Ryad, au Qatar et en Jordanie, il a à coeur de contrebalancer l'influence américaine dans le Moyen-Orient. Cette visite dans trois pays alliés très proches des Etats-Unis, intervient au lendemain d'une violente diatribe contre l'unilatéralisme des Etats-Unis.

En Jordanie, il déclare : "Nous sommes d'accord sur le fait que les négociations pour l'établissement d'un Etat palestinien viable et indépendant doivent être accélérées" Vladimir Poutine rencontre le président palestinien Mahmoud Abbas, avec lequel il a évoqué l'accord conclu entre les mouvements rivaux Fatah et Hamas sur la mise en place d'un gouvernement d'union. La visite de Poutine aboutit à "un accord verbal" sur la vente de quelque 150 chars T-90 russes à l'Arabie, un client traditionnel des pays occidentaux, notamment les Etats-Unis et la Grande-Bretagne, mais qui cherche à diversifier ses sources d'approvisionnement en armes. C’est une façon de répondre à la volonté américaine de déployer 10 rampes de lancement de missiles intercepteurs en Pologne et une station d’alerte anticipée en République tchèque qui servirait également à des fins de renseignement.

La Russie avait été le premier pays à reconnaître le royaume saoudien au moment de sa création en 1932. L'Arabie saoudite est le principal membre de l'OPEP, et la Russie n'appartient pas au cartel pétrolier, mais les deux pays sont les deux premiers producteurs mondiaux de brut. En septembre 2003, ils avaient conclu un accord de coopération pour la stabilisation du marché pétrolier lors d'une visite à Moscou du roi Abdallah, alors prince héritier. Moscou, propose à Ryad des hélicoptères Mi-17 pour le transport de troupes et surtout une coopération dans le domaine du nucléaire. La Russie construit actuellement le réacteur nucléaire Bouchehr en Iran sur fond de controverse entre Téhéran et les Etats-Unis, qui soupçonnent la République islamique de vouloir se doter de l'arme nucléaire. Il y deux mois, les six monarchies pétrolières du Golfe ont annoncé leur volonté de développer la technologie nucléaire à des fins civiles. 

 La Russie est déterminée à renforcer son influence sur la scène régionale et mondiale. Poutine souhaite s'imposer comme alternative à Bush dans le pré carré américain au Moyen-Orient. Le président russe Vladimir Poutine s'est efforcé de montrer qu'une alternative à l'influence de Washington était possible tout en cherchant à imposer sa puissance énergétique et son complexe militaro-industriel. Il s’affiche ainsi aux côtés de leaders de pays plus "respectables" aux yeux de Washington, que la Syrie ou l'Iran, ses alliés traditionnels et honnis par Bush. En décembre 2004, le maître du Kremlin avait déploré la politique de "dictature dans les affaires internationales" de Washington en référence, à la guerre en Irak. Et plus récemment, en mai 2006, il avait comparé les Etats-Unis à un "loup" n'ayant "aucune intention d'écouter qui que ce soit". 

 Depuis la fin de la Deuxième Guerre mondiale, Moscou et Washington se sont opposés de façon sérieuse pour deux principales raisons : le Moyen-Orient et les missiles. En ce qui concerne les missiles, il y a l’exemple de la crise de missiles de Cuba en 1962. En revanche, le Moyen-Orient avait été à la source des menaces sérieuses, voire des alertes nucléaires. C’est le cas de la menace soviétique en 1956 lors de la crise de Suez lorsque Moscou menace de brûler Londres, Paris et Tel-Aviv. C’est aussi le cas des alertes nucléaires entre Moscou et Washington lors de la guerre de 1973. Depuis, on a beaucoup parlé de la guerre froide entre le bloc soviétique et l’alliance atlantique. Les dernières mises en scènes entre Moscou et Washington rappellent les scénarios de la guerre froide dont le nouveau secrétaire d’Etat à la Défense Robert Gates est nostalgique. On retrouve depuis peu tous les ingrédients qui rappellent cette guerre froide. Cette fois, vu le contexte actuel, une autre guerre froide pourrait être au contraire, trop chaude.

Mohamed Abdel Azim
Lyon (France)


*Mohamed Abdel Azim est docteur en Science politique, journaliste à EuroNews il est l’auteur du livre : Israël et la bombe atomique, la face cachée de la politique américaine, Paris, l’Harmattan, 2006.

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