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L’Europe centrale sous la menace des missiles PDF Print E-mail
Written by Mohamed Abdel Azim   
Thursday, 01 March 2007

 

ImageMoscou hausse le ton et menace de se retirer du traité américano-soviétique qui vise l'élimination des missiles à portée intermédiaire et courte (FNI). Ce traité, signé encore au temps de la guerre froide, prévoit l'élimination et l'interdiction permanente d'une classe entière de missiles balistiques américains et soviétiques.

ImageTout commence lorsque le président russe Vladimir Poutine ouvre son attaque en règle contre les Américains et dénonce leur unilatéralisme. La Maison Blanche réagit aussitôt, réfute ces accusations en invoquant la coopération avec la Russie au sujet du nucléaire iranien ou nord-coréen. "Pourquoi est-il nécessaire de placer des infrastructures militaires à nos frontières" ? se demande le chef du Kremlin.

On comprend donc les raisons pour lesquelles la Russie prévient, dans le cadre d’une réunion avec l’OTAN à Séville, qu’elle allait renforcer son système de missiles intercontinentaux. On comprend aussi pourquoi le président russe Poutine, le 10 février, a tenu à Munich un discours à forts relents anti-américains. Il souligne que le projet d'extension du bouclier n'avait "rien à voir avec les menaces actuelles dans le monde" et qu'avec d'autres mesures prises par l'OTAN, il rompait l'équilibre militaire au détriment de la Russie. Moscou se sent inquiet et ce, malgré les déclarations du général Vladimir Mikhaïlov selon lesquelles la Russie n'est "absolument pas inquiète" du déploiement d'éléments du bouclier antimissile américain en Pologne et en République tchèque. Mais le Kremlin voit les choses d’un angle différent.

Alors que Moscou ne cesse de multiplier les mises en garde contre le projet américain, le commandant en chef des forces stratégiques russes, le général Nikolaï Solovtsov, est allé jusqu'à menacer de braquer des missiles de portée intermédiaire sur les deux bases que Washington veut installer en République tchèque et en Pologne. La menace russe "constitue exactement la raison pour laquelle nous devrions avoir une défense antimissile", a de son coté déclaré le vice-Premier ministre tchèque Alexandr Vondra.

Lors d'une conférence de presse conjointe avec le chef de la diplomatie allemande, la secrétaire d’Etat Condoleezza Rice explique que "la menace que représentent les missiles iraniens s'accroît, et nous avons besoin qu'on s'en occupe". La Russie n’est donc pas visée si nous croyons les déclarations américaines, mais Moscou ne voit pas les choses du bon œil. Le chef de la diplomatie russe Sergueï Lavrov est revenu à la charge en critiquant la "politique unilatérale de réaction par la force" de Washington et en souhaitant "une discussion franche" sur le sujet. Selon lui, "une politique de force est difficilement qualifiable autrement que comme une tentative de retour en arrière", soit à l'époque de la Guerre froide.

La route vers une crise est courte. Nous ne serons pas loin d’y accéder rapidement si la Russie estime que le bouclier est une menace directe à sa sécurité. Moscou peut alors reprendre la réinstallation de missiles dans la Russie centrale et en Kaliningrad. Les choses semblent beaucoup plus complexes. On risque même d’aller vers un affrontement sur le sol européen si le scénario tourne mal et si Moscou met sa menace à exécution et se retire du FNI (Forces nucléaires de portée intermédiaire). Ce premier traité historique important est  signé en 1987, en pleine guerre froide. Il permet, dès sa signature, à parler de la détente.  

Depuis fin janvier, Moscou considère que le déploiement du bouclier antimissile en Europe de l'Est serait une "erreur" et aurait "des conséquences négatives sur la sécurité internationale". Le  commandant des forces spatiales russes, le général Vladimir Popovkine, évoque une "menace évidente pour la Russie". Puis c’est le président Vladimir Poutine, qui affirme le 1er février que la Russie prévoyait "des réponses efficaces" au déploiement éventuel d'éléments du bouclier antimissile américain en Europe de l'Est.

Moscou se demande si la cible de ce bouclier antimissile n’est pas la Russie comme le souligne le président Vaclav Klaus, devant les journalistes, lors de sa visite officielle à Tokyo, le 14 février, qui serait donc la cible ? Ce projet de bouclier antimissile américain en Europe est destiné à protéger de menaces en provenance de l'Iran, affirme à Berlin, la secrétaire d'État américaine Condoleezza Rice. Mais ces déclarations n’apaisent pas la tension. Le bras de fer s’engage et la sortie de cet épisode aura des conséquences sur le concept de la dissuasion rationnelle.

Nul ne doute que la visée de ces installations est évidemment Moscou. La lecture de ces frictions montre que Washington teste la réaction russe et Moscou tente de barrer l’extension américaine. La Russie est bien consciente du jeu  ainsi que des enjeux et se prépare à réinstaller ses bases de courte portée démantelées suite au traité FNI. Ces bases sont rapides et faciles à remettre en place. Le commandant en chef des forces stratégiques russes, le général Nikolaï Solovtsov n’a pas d’ambiguïté dans ses propos : si les Américains installent ces boucliers, les missiles russes seront là pour les détruire. Le monde pourrait alors passer vers la zone rouge dans laquelle la dernière parole sera à qui dégaine le premier.

>> Editorial: Poutine défie Bush, la route vers la crise passe par l’Europe centrale

Mohamed Abdel Azim
Lyon (France)


*Mohamed Abdel Azim est docteur en Science politique, journaliste à EuroNews il est l’auteur du livre : Israël et la bombe atomique, la face cachée de la politique américaine, Paris, l’Harmattan, 2006.

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