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Bush : De la deuxième guerre froide à la troisième Guerre mondiale 1 PDF Print E-mail
Written by Mohamed Abdel Azim   
Friday, 26 October 2007

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  • Les Etats-Unis ont annoncé des sanctions unilatérales contre l’Iran. Avec ces sanctions qui visent 20 grandes entreprises d’industrie lourde, des sociétés bancaires ainsi que le ministère iranien de la Défense, les Etats-Unis comptent isoler tout un pan de l'appareil militaire de ce pays. Après les sanctions de l’ONU, ces sanctions risquent de ne pas aboutir à des résultats concrets. Que faudrait-t-il faire si les sanctions unilatérales américaines ne donnaient pas les résultats escomptés ?
  • Un regard en arrière montre que l’administration Bush, pour arriver à ses fins guerrières, a toujours procédé en trois étapes : accusation de prolifération, glissement des accusations de prolifération vers des accusations d’activités de terrorisme, puis, passage à la troisième phase. Cette dernière est généralement la phase d’attaque. Entre le dialogue avec l’Iran et l’engagement dans une guerre contre les installations nucléaires iraniennes, le choix de Bush tend vers la deuxième option. La phase des accusations de prolifération nucléaire est donc dépassée.
  • En imposant des sanctions de manière unilatérale, nous nous trouvons dans la deuxième phase : celle qui associe la prolifération au terrorisme mondial. Peu à peu, nous allons assister à une dissociation des deux pôles et nous irons vers un glissement dans lequel on va oublier le mot prolifération et où on ne parlera que de terrorisme. Durant cette phase, la Maison Blanche adoptera une démarche de préparation psychologique à l’attention de l’Amérique et par la même, le monde entier. Nous serons alors tous moins sensibles, voire pas du tout choqués, par l’usage du langage guerrier et par la conduite de la guerre elle même.
  • Lors de la troisième phase, les mots d’attaque et de guerre seront largement déversés. Rien ne pourra alors convaincre la machine de guerre de reculer d’un pas. Depuis le lundi 22 octobre, la troisième phase est en préparation dans les cuisines de la Maison Blanche. Nous allons certainement voir se dessiner ces signes préparatifs lorsque Bush, dans quelques semaines, commencera à nous apprendre que la phase de sanctions touche à sa fin. Il estimera que ces sanctions auront échoué et que l’Iran menace la paix mondiale (du déjà vu six mois avant l’invasion de l’Irak).
  • Bush pourra ainsi justifier le Military Building auquel nous ont habitués les faucons de la Maison Blanche. Lundi dernier, 22 octobre 2007, l’administration Bush a en effet demandé au Congrès 88 Millions de dollars afin d’équiper les fameux Stealth B-2, avec des BBB (Bunker Buster Bombs). On peut donc deviner pourquoi.
  • Avec ces sanctions unilatérales, les Etats-Unis franchissent une nouvelle étape dans leur marathon contre l’Iran. Ils visent, écrit le Washington Post [1], la force Al-Quds, (unité d'élite des Gardiens de la révolution iraniens), et le Corps des Gardiens de la révolution. Les sanctions unilatérales sont des outils intermédiaires sur une échelle américaine entre le dialogue et la conflictualité. L’administration Bush a encore un an devant elle, date des prochaines élections présidentielles, afin de mettre ses menaces à exécution. Le monde risque de se trouver dans un scénario d’une 3ème guerre mondiale, selon les déclarations du Président Bush[2].
  • Le mois dernier, le ministre français des Affaires étrangères Bernard Kouchner a déclaré que  le monde devait se préparer au pire, c'est-à-dire à la guerre avec l'Iran[3].  Son homologue russe Sergueï Lavrov a vivement critiqué l'idée de sanctions unilatérales et d'un recours à la force. Dans une lettre adressée à Paris, le ministre iranien des affaires étrangères, Manouchehr Mottaki, écrit : « l'Iran ne renoncera pas à ses travaux nucléaires, et des sanctions unilatérales supplémentaires de la part des Européens, seront vouées à l'échec[4]. »

 
La route vers la 3ème guerre mondiale 

  • «A supposer que l'Iran ait l'intention de se doter de la bombe nucléaire, il lui faudra encore entre trois et huit années pour y arriver», déclare le directeur général de l'Agence internationale de l'énergie atomique (AIEA), Mohamed El-Baradeï[5]. « Nous sommes très inquiets de la politique de l’Iran qui constitue peut-être le plus grand défi pour les intérêts américains au Moyen-Orient et dans le monde », dit Mme Rice au cours d'une audition au Congrès. Lorsqu’on parle de défi, il faut entendre en langage diplomatique le son d’un échec. C’est à dire qu’une puissance nucléaire, même la plus puissante comme l’Amérique se trouve à court d’action face à un challenger obstiné. 
  • La remarque de la Secrétaire d’Etat Condi Rice, intervient après que le vice-président américain Dick Cheney ait menacé Téhéran de « graves conséquences », s'il ne renonçait pas à son programme d'enrichissement d'uranium. « Les États-Unis et leurs alliés ne permettront pas à l'Iran d'acquérir l'arme nucléaire », avertit le vice-président américain[6].
  • C’est le Président Bush lui-même qui évoque le risque d’une 3ème guerre mondiale[7]. «  Les dirigeants internationaux devraient empêcher l'Iran de se doter de l'armée nucléaire, s'ils souhaitaient éviter une troisième guerre mondiale (…) C'est pourquoi j'ai dit (aux dirigeants mondiaux) : si vous souhaitez éviter une troisième guerre mondiale, il semblerait que vous devriez essayer de les empêcher d'obtenir les connaissances nécessaires pour fabriquer une arme nucléaire », déclare le 17 octobre 2007, le président américain George W. Bush après une mise en garde de la Russie contre toute action militaire visant le programme nucléaire de Téhéran. Bush ne brandissait pas la menace mais il faisait de la rhétorique, souligne la porte-parole de la Maison-Blanche. « Le président ne faisait pas de plan de guerre, (...) il faisait une observation », explique Dana Perino.
  • Rhétorique ou déclaration, Washington n'a pas toutefois renoncé à attaquer l'Iran et les faucons de l'administration Bush sont toujours prêts à soutenir une attaque contre ce pays, quitte à se passer de l'approbation du Congrès désormais dominé par les démocrates, affirme le journaliste américain Seymour Hersh dans un article dans le magazine The New Yorker[8]
  • Les sanctions unilatérales américaines sont les résultats d’un échec de l’administration Bush-1 et l’administration Bush-2 dans la conduite de la politique étrangère américaine dans la région. Ces administrations se comportent en tant que puissance absolue et se trompent d’adversaire. Elles choisissent l’unilatéralisme et déclenchent des guerres au lieu d’apporter des solutions aux vrais problèmes tels que le terrorisme ou le conflit israélo-arabe. Les sanctions sont aussi le signe de la mise en doute de la politique de la menace de représailles et de sa crédibilité face aux acteurs régionaux. Enfin on voit l’échec de ces administrations pour coopérer avec Moscou, les relations entre Russes et Américains se dégradant et donnant lieu à un bras de fer entre les deux superpuissances. 

L’échec des menaces
  • L’Iran se montre déterminé ; même la politique de dissuasion et de menace de représailles de la toute puissante Amérique ne fonctionne pas envers Téhéran[9]. Ce dernier se montre non-dissuadable et sa position invite à poser la question relative au comment agir face à un acteur qui souhaite arriver à son but coûte que coûte. Après les sanctions unilatérales, il ne restera plus que deux options devant Washington : dialoguer directement avec l’Iran ou mener des attaques dites préventives. La première option est rationnelle et a déjà abouti à des résultats concrets avec la Corée du Nord, alors que la deuxième annonce un cauchemar régional jamais égalé. Les prévisions de Bush risquent alors de se réaliser donnant lieu à une Troisième Guerre mondiale.
  • Les attaques préventives sont là pour pallier la défaillance dans la conception de ce que les stratèges désignent comme une dissuasion rationnelle. Tirée de la fameuse Rational Deterrence Theoy, cette conception tend à dire que la dissuasion fonctionne et prévient contre les guerres par le simple jeu de décourager un adversaire de mener une attaque contre une puissance nucléaire. La première attaque préventive a lieu en 1967, lorsque les Israéliens passent à l’offensive contre la menace du Président égyptien Nasser. Ce dernier se montrait déterminé à attaquer la centrale nucléaire israélienne de Dimona. En 1981, I’aviation israélienne détruit la centrale irakienne Osirak avant son entrée en fonction. En 2003, l’armée américaine envahit ce pays sous prétexte d’empêcher Saddam Hussein de développer des armes nucléaires (ces armes n’ont jamais été trouvées).
Les hésitations américaines

  • L'administration Bush hésite à définir une stratégie résolue d'appui à un changement de régime en Iran, que de nombreux experts américains jugent hasardeuse[10]. La situation géographique de l'Iran, le place entre deux pays où Washington est confronté à des scénarios d’échec. : d’abord face aux insurgés et aux groupes armés en l'Irak et puis face aux combattants Talibans en Afghanistan. Ces deux situations n'aident pas à définir une stratégie américaine tranchée. Toute attaque contre ce pays conduirait très probablement à aggraver la situation en Irak. Le coût total des guerres en Irak et en Afghanistan pourrait atteindre 2 400 milliards de dollars d'ici 2017[11], selon un rapport officiel du CBO. Le rapport souligne que les dépenses pour les guerres pourraient atteindre 1 700 milliards de dollars et 705 milliards d’intérêts d'emprunts, que le gouvernement américain devrait encore contracter d'ici à 2017.
  • La guerre, que mène Washington depuis quatre ans et demi en Irak, s'apparente à un "cauchemar sans fin", selon l'ancien commandant des forces américaines en Irak. Le général Ricardo Sanchez, estime, le 12 octobre 2007, que l'administration Bush a fait preuve "d'incompétence patente" et que sa stratégie depuis le début de la guerre est un "échec catastrophique". Pour ces raisons, le Secrétaire d’État à la Défense Robert Gates assure devant la commission du Sénat qu'il plaiderait contre le lancement d'une guerre contre l'Iran, sauf en « dernier recours absolu » et si les intérêts de sécurité américains étaient menacés. M. Gates estime que toute attaque contre ce pays conduirait « très probablement » à aggraver la situation en Irak. Une attaque des installations nucléaires iraniennes représente en effet une corvée pour Washington. Mener une opération militaire reste un problème difficile à exécuter car elle demande une logistique très complexe. Cette complexité logistique, militaire et politique représente un dilemme insoluble de telle sorte qu’elle autodissuade à la fois les Israéliens et les Américains. >> vers la deuxième partie >>


Mohamed Abdel Azim
*
Lyon - France

 

*Mohamed Abdel Azim est l’auteur du livre : Israël et la bombe atomique, la face cachée de la politique américaine, Paris, publié aux éditions l’Harmattan, 2006.

1U.S. Imposes New Iran Sanctions”, Washington Post, 25 octobre 2007.
2 “Nucléaire iranien : George Bush veut "éviter la troisième guerre mondiale”, Le Monde, 19 octobre 2007.
3 “Paris veut durcir les sanctions contre l'Iran”, Le Figaro, 19 septembre 2007.
4 “Nucléaire : désarroi diplomatique face à l'Iran”, Le Monde, 24 octobre 2007.
5 Le Monde, 22 octobre 2007.
6 “Nucléaire iranien : l'escalade verbale de Dick Cheney”, Le Monde, 22 octobre 2007.
7 “Iran : Bush brandit la menace d’une "troisième guerre mondiale”, NouvelObs, 18 octobre 2007.
8 Seymour Harsh, The Iran Plans, The New Yorker, 17 avril 2006.
9 Mohamed Abdel Azim, “Bush : de Saddam à Ahmadinejad, vers la chute vertigineuse du Moyen-Orient” Newropeans Magazine, 23 mars 2007.
10 Mohamed Abdel Azim, “Le bâton américain hésite à frapper l’Iran”, Newropeans Magazine, 10 janvier 2007.
11 Selon le rapport du Bureau du budget du Congrès américain, publié, le 24 octobre 2007.

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