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Bush : De la deuxième guerre froide à la troisième Guerre mondiale (2) PDF Print E-mail
Written by Mohamed Abdel Azim   
Monday, 29 October 2007
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  • Lorsque la secrétaire d'Etat Condoleezza Rice annonce, le 25 octobre 2007, l’imposition de sanctions américaines contre les forces iraniennes Al-Quds (unités spéciales de l’armée iranienne) elle les accuse de soutenir le terrorisme. Quant au corps des Gardiens de la révolution, Condi Rice les accuse de contribuer à la prolifération d'armes de destruction massive. Avec ces sanctions, nous avançons d’un pas vers les attaques aériennes contre Téhéran. La volonté américaine de frapper l’Iran est affichée depuis 2002, avant l’invasion de l’Irak Dès à présent, la question est la suivante : quand cette attaque américaine peut-elle avoir lieu ?
  • Les forces iraniennes Al-Quds (nom arabe de Jérusalem), sont directement liées au Guide suprême de la révolution Ayatollah Ali Khamenei. Les Gardiens de la Révolution forment une arme idéologique du régime islamique au pouvoir depuis 1979. En un quart de siècle, ils se sont peu à peu transformés en une redoutable et puissante armée. Certains membres des Gardiens de la Révolution (pasdarans), occupent de hautes fonctions au sein de l'appareil d'Etat. «  Aujourd'hui, le secrétaire au Trésor Henry Paulson et moi-même annonçons plusieurs nouvelles mesures visant à renchérir le coût pour l'Iran de son comportement irresponsable », déclare la secrétaire d'Etat Condoleezza Rice, qui s'exprime aux côtés de son collègue.

 
L’ombre des faucons
  • Derrière ces sanctions unilatérales, on voit les empreintes des faucons qui poussent Bush à agir avant la fin de son mandat (janvier 2009.) Depuis plusieurs mois, ils poussent l’administration à sanctionner les Gardiens de la révolution. Mais certaines divisions d’orientations et des querelles internes sur la nature et le calendrier de l’exécution du plan ont retardé la prise de décision de Bush. Avec ces sanctions, c’est la première fois que nous assistons à une telle décision en matière de relations internationales : une puissance opte pour des actions punitives à l'encontre d'une force armée officielle d'un autre pays. Dans l’avenir, si la Russie, la Chine, l’Inde ou le Pakistan procédaient de la sorte, l’anarchie serait totale. De son côté, le président russe Vladimir Poutine marque son hostilité à l’égard de la démarche unilatérale américaine contre l'Iran. Moscou ; il estime que cette démarche risque d'aggraver la situation.
  • L'évocation d'une action militaire de Washington contre l'Iran s'est faite plus précise ces derniers mois. Une idée défendue par certains conservateurs américains, dont le vice-président Dick Cheney est le pivot, aimeraient que le président George W. Bush accélère le pas. Du point de vue militaire et pour des raisons opérationnelles, une telle attaque peut avoir lieu entre février et avril 2008. Le parallèle est alors clair avec les six mois précédant l’invasion de l’Irak, même si la Maison Blanche s’en défend. « Je ne crois pas qu'on puisse établir le moindre parallèle entre l'action actuelle du gouvernement américain et celle qui a conduit à l'invasion de l'Irak en 2003 », explique un porte-parole de la Maison Blanche, Tony Fratto. Alors qu’une simple analyse du discours de Bush durant les mois de septembre-octobre 2002 montre l’usage de la même phrase par la Maison Blanche, le State Department, et le Pentagon : le principe du président George W. Bush est de « n'écarter aucune option. »
  • Le président n'a en effet pas catégoriquement exclu le fait que les tensions conduisent à une confrontation militaire : « Nous espérons vraiment, vraiment que cela ne sera pas le cas. (...) Ce que nous espérons, c'est qu'une solution diplomatique mènera à des négociations. » On pourrait donc reprendre les discours de Bush entre novembre et décembre 2002 et les appliquer à novembre et décembre 2007. On déduit alors que le mois de mars 2008, sera le mois idéal pour le déclenchement des hostilités[1]. Dans cette région, le Pentagone choisit toujours le déclenchement des guerres entre le mois de février (comme c’est le cas en 1991), le mois de mars (comme en 2003) et au plus tard le mois d’avril. Pour des raisons climatiques, les opérations sont difficiles à mener par l’armée américaine durant les autres saisons de l’année.


De l’Irak à l’Iran

  • Des mots de menace tels que "graves conséquences" utilisés par le vice-président Dick Cheney ne sont pas vide du sens. Le choix d’une phrase brandissant la menace comme le spectre d'une « Troisième Guerre mondiale si l'Iran avait la bombe atomique », évoqué par le Président Bush, comporte un message en direction de Moscou et de Pékin. Un tel langage rappelle « la rhétorique belliqueuse qui a précédé l'invasion de l'Irak », dit le sénateur démocrate Robert Byrd.
  • Les chaînes de télévisions américaines auront, évidemment, en exclusivité annoncé WAR IN IRAN. Ces chaînes auront aussi des correspondants partout sauf en Iran. Pour monsieur américain, ces chaînes vont lui dessiner un joli tableau de l’Iran (par exemple un pays méchant et dangereux). Ce pays aura l’aspect du mal absolu. On retourne alors au schéma du bon (Bush) contre le méchant (là bas.) Les scénarios hollywoodiens n’aiment pas que le bon héros perde contre le méchant vilain.
  • Ces chaînes doivent être en cours de préparation pour créer des génériques comportant des mots qui font peur pour souligner la gravité de la chose. War on Iran, Iran under Attack, ou encore From Iraq to Iran, les phrases de la transition vers la guerre auraient donc été simplifiées par l’administration Bush. Bien évidemment, Bush facilite la tâche à nous autres journalistes. Sinon, il aurait pu choisir un autre pays pour jouer à la guerre ou ne pas la faire du tout. Le Président est gentil, il pense toujours à satisfaire tout le monde.
  • Le scénario d’avenir est donc simple : les États-Unis mettent en avant une menace de leur sécurité nationale, celle des pays amis dans la région et ensuite la sécurité et la stabilité mondiales. Ils justifieront ainsi le passage à des éventuelles attaques. Mais, une telle opération risque d’être dangereuse voire risquée. Elle rendrait ainsi trop compliquée la situation en Irak et menacerait la présence américaine en Irak et les forces de l’OTAN en Afghanistan. Dans des pays comme Israël, les conseillers militaires qui suivent ce dossier tendent à appliquer la politique de wait and see. C’est ce que pense Ephraim Kam, un spécialiste de la sécurité qui suit de près le dossier du nucléaire iranien. Selon M. Kam, l’Iran n’a pas encore atteint le niveau de non-retour et il est encore temps de freiner les efforts russes visant à reconstruire les réacteurs nucléaires iraniens.
  • L’administration Bush qui envisage de passer à la phase d’opération militaire aérienne, a encore des hésitations sur ces possibles attaques contre les installations iraniennes. L'administration Bush hésite à définir une stratégie résolue à l’encontre de l’Iran, mais il y a par ailleurs un plan B. Elle tente d’abord surtout d'appuyer un scénario de changement de régime en Iran, que de nombreux experts américains jugent hasardeuse.
  • Puis il y l’aurait un plan d’attaques aériennes ciblées, non pas contre les installations nucléaires, mais contre les Gardiens de la révolution, histoire d’éliminer le plus grand nombre de membres écrit Seymour Hersh dans le New Yorker fin septembre 2007. Pour les deux scénarios, la situation géographique de l'Iran, (voisinage direct avec l'Irak et l'Afghanistan) et la profondeur stratégique de ce pays, confère au régime de Téhéran un avantage que nul autre régime dans la région ne bénéficie.  


L’adversaire incontournable

  • Le régime iranien joue sur les hésitations américaines, sur les divisions au sein du Conseil de sécurité de l’ONU et compte sur le soutien de Moscou et de Pékin. La position de l’Iran la place entre deux pays où les Etats-Unis sont fortement impliqués et les marines américains se trouvent à proximité de la frontière iranienne. Cette situation confère à Téhéran le statut de partenaire incontournable et d'adversaire potentiel de Washington. La possible stabilité en Iraq se trouve, en grande partie, entre les mains des Chiites irakiens. Un régime iranien déstabilisé donnera lieu à une anarchie totale dans les deux pays et les Américains ont vu les résultats de la chute de Saddam Hussein.
  • Depuis que le parlement turc a donné le feu vert à l’armée turque de mener des opérations militaires dans le nord de l’Irak (contre les rebelles du PKK), les choses ne sont plus les mêmes dans cette région. Même si la Turquie retarde son offensive en attendant le rencontre prévue en novembre entre Bush et le Premier ministre turc Erdogan, cette intervention sera menée sans doute[2]. Une telle opération perturbera cette partie de l’Irak et risque de se transformer en un conflit long. Un tel affrontement compliquerait la situation et ne sert pas la mise en place des plans américains ou israéliens qui visent à attaquer l’Iran. Rappelons que les forces Al-Quds avaient soutenu les Kurdes contre Saddam Hussein. Elles ont aussi soutenu le leader de l’Alliance du Nord afghan, Ahmed Shah Massoud (assassiné à la veille du 11 septembre 2001) dans sa lutte contre les Talibans.
  • Pour ces raisons, l'administration américaine va continuer d'être prudente au sujet d'une éventuelle action unilatérale contre l'Iran, car il y a trop de choses en jeu, à la fois en Irak, en Afghanistan et dernièrement en territoires kurdes au nord de l’Irak (trois points limitrophes de l’Iran .) Déclencher une autre zone de conflictualité d’ampleur dans cette région est un risque majeur. Un tel scénario est une source d'inquiétude pour les alliés américains dans la région, notamment les régimes arabes « modérés ». Il est aussi une source d’inquiétude pour un pays comme Israël qui doit faire face aux groupes armés chiites du Hezbollah au Liban. En plus, ce scénario augmenterait la radicalisations anti-américaine déjà très forte dans les pays arabes, qui risque de toucher la zone du sud est asiatique. Enfin, la Chine reste hautement irritée par la rencontre entre Bush et le Dalai Lama à la mi-octobre 2007[3].
  • L’intensification des menaces américaines est le signe d’une difficulté militaire en Irak et d’une faiblesse dans son activité diplomatique même accrue dans la région. Il y a d’abord l’échec de la visite surprise du vice-président Dick Cheney en Arabie Saoudite le 25 novembre 2006. Cette visite a lieu quelques jours avant celle du président Bush en Jordanie. Le président Bush lui aussi n’est pas parvenu à mobiliser les capitales arabes afin de soutenir de manière franche son plan d’attaque contre l’Iran.


Un goût d’une guerre froide
  • Les sanctions unilatérales américaines, qui visent pour la première fois directement à sanctionner l'armée d'un autre pays, contiennent le plus large éventail de mesures punitives imposées à Téhéran depuis 1979. Ces mesures, se situant largement au-delà des résolutions des Nations unies, permettent à Washington d’étouffer l’Iran économiquement. Il peut ainsi exercer des pressions fortes sur des compagnies étrangères ayant des relations d'affaires en Iran. C’est déjà le cas avec la compagnie pétrolière française Total. Ces pressions risquent de déclencher la colère de Moscou et de Pékin allant jusqu’à l’affrontement sur fond de conflit d’intérêts économiques de ces deux puissances en Iran. Des pressions seront exercées sur ces compagnies afin qu'elles se retirent d’Iran, sous peine de sanctions américaines. Un tel scénario compliquerait les relations largement tendues entre les Etats-Unis et la Russie sur la question du projet de bouclier américain en Europe.
  • Du côté de Washington, les pressions sur Moscou montent d’un cran en vue d’arrêter la coopération entre Moscou et Téhéran dans le domaine nucléaire. Le programme prévoit, avant 2012, la construction de deux réacteurs supplémentaires pour la centrale de Bouchehr dans le sud de l’Iran et d’une nouvelle centrale avec deux réacteurs à Ahwaz dans l’ouest du pays.
  • Des tractations profondes ont lieu sur fond de désaccord entre Moscou et Washington vis-à-vis du dossier iranien. Il s’agit du projet américain d’installer un bouclier de missiles anti missiles en Pologne et des radars en République Tchèque (deux pays membres de l’Union Européenne et anciens territoires du bloc soviétique.) Washington justifie ce projet par la menace iranienne. Mais « la Russie prendra des mesures pour neutraliser la menace  si les Etats-Unis déploient leur bouclier antimissile en Europe », annonce le chef de la diplomatie russe Sergueï Lavrov lors d'une conférence de presse avec son homologue américain, Condoleezza Rice, le 7 octobre 2007. Le président russe Vladimir Poutine a le 12 octobre 2007, de son côté, appelé Washington, à mettre en suspens son projet de déploiement d'un bouclier antimissile en Europe, tout en menaçant d'abandonner le traité des Forces nucléaires intermédiaires. Rappelons que le FNI est un traité nucléaire majeur hérité de la Guerre froide. Il est surtout un des textes clefs régissant la sécurité en Europe.
  • Le bras de fer impliquant de nouveau le duel Washington /Moscou apparaît en février 2007. Le premier souhaite installer une base anti-missiles Le deuxième s’oppose farouchement à ce projet. Ce scénario a un goût de 2ème guerre froide entre les deux superpuissances. Sur fond de désaccords entre les deux capitales concernant le programme nucléaire iranien, on commence à évoquer l’idée d’une 3ème guerre mondiale. C’est le Président américain George W. Bush qui en parle. En 7 ans, le Président américain Bush aurait prononcé le mot de guerre et de menace des milliers de fois. Dans le passé, il a largement raté les occasions pour éviter les guerres ; dans l’avenir, il risque d’en rater d’avantage et d’ouvrir la route vers la 3ème guerre mondiale. Celle-ci risque donc d’être le terrain propice non pas pour la germination d’un champignon nucléaire[4] , mais pour le départ d’un feu majeur doublé de secousses politiques un peu partout au Moyen-Orient. Il se peut que les néo-conservateurs cherchent cet état de fait, mais ils sont sur le point de laisser le règne du pouvoir mondial.
  • Si Bush et les faucons déclenchaient la guerre contre l’Iran, cela provoquerait l’état de chaos régional. La région entière aurait alors devant elle de longues années d’anarchie et d’instabilité durable. Des décennies seraient alors nécessaires pour résorber les effets des ondes de choc. Pendant ces décennies, les faucons et le boy texan ne seraient plus aux commandes de l’Amérique. Les néo-conservateurs, qui ont joui du pouvoir pendant huit ans et qui ont déclenché deux guerres, regretteraient certainement une seule chose : n’avoir pu provoquer davantage de conflits, et surtout avoir manqué le déclenchement de la Troisième Guerre mondiale. >> Retour à la Première Partie >>

Mohamed Abdel Azim
*
Lyon - France

 

*Mohamed Abdel Azim est l’auteur du livre : Israël et la bombe atomique, la face cachée de la politique américaine, Paris, publié aux éditions l’Harmattan, 2006.

1 Mohamed Abdel Azim, ‘‘Bush et Ahmadinejad naviguent-ils à l’estime ?”, Newropeans Magazine, 28 septembre 2007.
2 “Les rebelles kurdes envisagent de libérer des prisonniers turcs”, La Tribune, 27 octobre 2007.
3 “Bush reçoit le dalaï-lama malgré les protestations de la Chine”, Le Monde, 16 octobre 2007.