Newropeans Magazine

A quoi sert l’OTAN ? PDF Print E-mail
Written by Mohamed Abdel Azim   
Friday, 16 February 2007
ImageLorsqu’on suit de près les relations entre Moscou et Washington ces derniers mois, on voit des  frictions visibles et d’autres non visibles. Tout se passe sur fond de désaccords sur le dossier du programme nucléaire iranien ou nord coréen mais surtout l’avenir de l’OTAN.

Image Lors de la conférence sur la sécurité globale, à Munich, le président russe Vladimir Poutine lance une attaque en règle contre l'unilatéralisme et la politique dominatrice des États-Unis, qui vise à écarter le rôle de la Russie et des autres puissances émergentes. Il appelle Washington à revenir au multilatéralisme. "Les Etats-Unis sortent de leurs frontières nationales dans tous les domaines et cela est très dangereux, personne ne se sent plus en sécurité parce que personne ne peut plus trouver refuge derrière le droit international", déclare le chef du Kremlin.

Washington poursuit son expansion et s’étend jusqu’aux portes de la Chine et de la Russie en utilisant les forces de l’OTAN en Afghanistan. Le passé montre que les combattants afghans, les Moudjahiddines ont pu résister à la machine de guerre soviétique et oblige Moscou à quitter le pays. L’OTAN se trouve, à son  tour, face à la difficulté majeure de mettre fin aux combattants Talibans dans ce pays. La Russie commence à se montrer suspicieuse envers les États-Unis, considérant que l’OTAN devient un instrument permettant l’extension de l’influence américaine dans des pays limitrophes de son territoire.

Les difficultés américaines en Irak affaiblissent drastiquement la stratégie d’extension américaine et poussent Washington à repenser ses orientations politiques et militaires futures.  L’OTAN peut donc lui être utile dans cette optique. Mais, repoussée par l’émergence de la Chine et notamment par la  présence de cette dernière en Afrique, et par les réticences de la Russie et son soutien au programme nucléaire iranien, cette expansion est mise en doute par le départ de certaines forces alliées de l’Irak. La puissante Amérique va devoir se replier, abandonner l’unilatéralisme et évoluer vers une période de retranchement pour y voir un peu plus clair. 

Le système international actuel est marqué par une crise systémique majeure. Pour palier à l’unilatéralisme américain, les Russes avancent, lors du débat sur l'élargissement de l'OTAN, l’idée d’un partenariat avec des pays de la région Asie-Pacifique comme le Japon, l'Australie ou la Corée du Sud. Ce thème est qualifié de surréaliste. En effet, comment élargir une Alliance au monde entier alors que ses membres ne sont pas capables de trouver deux hélicoptères pour l'Afghanistan ? L'élargissement de l'OTAN est un débat qui revient chaque année dans ce club très atlantiste qui prend cette année plus d’importance car cette structure a, ces dernières années, été confrontée à de multiples crises sans vraiment trouver les issues adaptées à chacune d’elles.

Cette incapacité manifeste, qui s’ajoute à celle de Washington, ouvre les portes à une crise systémique globale dans laquelle la Russie, la Chine et l’Europe n’arrivent pas à trouver une position convenable pour apporter des solutions possibles. Côté américain, le nouveau secrétaire à la Défense, Robert Gates, rappelle d'emblée qu'il était comme M. Poutine un "vieux guerrier de la Guerre froide" et un ancien "espion", habitué à ce titre "à parler d'une manière tranchée" ; il estime, avec le sourire, qu’une Guerre froide avait largement suffi et que le monde a besoin d'une OTAN  "musclée". D’après Gates, l'Alliance n'est pas un "club social et un club de discussions ;  c'est une alliance militaire qui a très sérieuses obligations mondiales", dit-t-il.

Robert Gates sait que l'intervention armée de 2003 en Irak, est rentrée dans une phase grave et que la gravité du chaos toucherait, dans son évolution croissante, tout le monde. Le secrétaire américain à la Défense, souligne que "si les Etats-Unis et leurs partenaires échouaient en Irak et si le chaos s'installait en Irak, tous les membres de l'Alliance subiraient les conséquences". Il note que "le chaos en Irak, l'incapacité d'y installer un Etat stable capable de se défendre tout seul et de se gouverner lui-même provoquera de nouveaux conflits au Moyen-Orient, et par la suite davantage de terrorisme dirigé contre nous tous". Il y a à ce propos des désaccords sur la manière dont nous en sommes arrivés là, mais la réalité, aujourd'hui, est que l'échec se dessine en Irak,  et qu’il y a déjà eu un impact néfaste sur tous les pays de la région.

Parmi les 26 pays de l'OTAN, certains comme le Royaume-Uni, la Pologne et le Danemark et la plupart des nouveaux adhérents d'Europe de l'est, ont participé aux opérations américaines en Irak ; d'autres comme la France, l'Allemagne ou la Belgique, ont refusé cette intervention sans mandat de l'ONU, et d'autres encore, comme l'Espagne et l'Italie qui avaient d'abord envoyé des troupes les  ont retirées depuis, en raison d'un changement de politique.

Le nouveau secrétaire américain à la Défense a pour l'occasion renié le concept qu'avait inventé son prédécesseur Donald Rumsfeld pour expliquer la différence entre "la nouvelle Europe" c'est-à-dire ceux qui avaient accepté de participer à l'expédition en Irak, et "la vieille Europe", constituée de ceux qui avaient refusé, Paris et Berlin en tête. Dans ses échanges avec l'auditoire, M. Gates estime que les Etats-Unis devraient améliorer la manière d'expliquer ce qu'ils font dans le monde et relever leur réputation, qui a souffert de l’intervention en Irak. Il estime que l’Amérique avec sa force agit pour le bien du monde.

La conférence de Munich marque le début d’une prise de conscience généralisée de la crise globale et lui consacre un thème. Les leaders se rendent compte que le système global, en place depuis des décennies, est en mutation. Des changements profonds s’opèrent dans la durée. La crise globale, qui se profile depuis l’accession de George Bush au pouvoir en 2000, commence à éroder le système.  La crise globale est visible depuis les attaques du 11 septembre 2001.
La phase critique de cette crise est déclenchée par l’invasion de l’Irak en 2003. Elle s’accentue lors de l’essai nucléaire nord-coréen, en octobre 2006, illustrant l’échec de la politique américaine contre la prolifération nucléaire. Deux facteurs majeurs qui aboutissent à la perte des élections de mi-mandat par les Républicains, courant novembre 2006. Ces élections sont le facteur catalyseur d’un changement qui annonce le point nodal des principales lignes de fracture de l’actuel système global. La victoire des démocrates aux élections législatives américaines isole George Bush. La Chine opère en Afrique et la Russie soutient l’Iran.

La crise actuelle s’aggrave alors qu’elle se trouve face à un niveau record de la violence en Irak et l’éclatement de plusieurs poches de conflits notamment en Afrique comme en Somalie et au Darfour. De plus, il y a un sentiment croissant d’une défaite occidentale en cours en Afghanistan et le défi de l’Iran. Ces facteurs affectent de plein fouet l’image de Washington et affaiblissent sa position mondiale. Ces mêmes facteurs élargissent le champ devant Moscou et Pékin alors que l’Europe reste hésitante.

Mohamed Abdel Azim*
Lyon (France)

1ère partie
:
De l’Afghanistan à l’Irak fin de l'unilatéralisme américain


*
Mohamed Abdel Azim est docteur en Science politique, journaliste à EuroNews il est l’auteur du livre : Israël et la bombe atomique, la face cachée de la politique américaine, Paris, l’Harmattan, 2006.

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