Le monde arabe et l’Europe, quelle  histoire et quel avenir ?

Le monde arabe vit actuellement l’une des périodes les plus difficiles de son histoire. Les raisons sont multiples et les zones de guerres dans ce monde sont fréquentes. Ce monde vit, depuis des décennies, au rythme des conflits successifs et son sort a longtemps été lié aux différentes puissances mondiales. 

 

Regard en retro

Depuis que ce monde essaie de se définir,  il est à la recherche de son identité que ne colle plus avec son histoire. Sous occupation depuis plusieurs siècles déjà, son sort historique passe, de l’extension qui l’amène vers l’Europe au confinement avant de se trouver sous la main des Turcs Ottomans puis des Britanniques ou  des Français etc. D’abord l’occupation turque affaiblit intellectuellement, politiquement et socialement le monde arabe et la fin de l’empire Ottoman, ce monde se trouve sous mandat britannique ou français et l’occupation par les pays européens l’affaiblit encore davantage.

Depuis son indépendance à l’égard  des anciennes puissances coloniales, le sort de ce monde se trouve entre les mains des régimes totalitaires. Il est confronté à la pratique de l’oppression dans un climat d’absence de  culture de débat et de  pluralisme politique. Il y a alors  trois éléments majeurs et importants à prendre en compte.

D’abord l’organisation politique de ce monde colonisé et son rapport avec l’Occident colonial avant la Deuxième Guerre mondiale. Puis, le rapport de ce même monde arabe, indépendant cette fois, qui a depuis dû faire face à des graves crises rythmées par de conflits armés contre Israël. De plus la longévité symptomatique des régimes n’a pas aidé à l’émergence d’autres courants ou partis politiques qui pouvaient contrebalancer les décisions prises. Enfin, en raison de l’absence de pluralisme politique dans les pays arabes et du manque de considérations politiques ou de dialogue de la part de l’Occident en ce qui concerne la question palestinienne, les Occidentaux ont dû faire face à des décisions hâtives, non étudiées voire catastrophiques. L’Occident commet alors l’erreur de considérer ce monde comme incapable de prendre des décisions structurées.

 

Le point du départ

Depuis la fin de la Deuxième Guerre mondiale, la peur d'une unité arabe avait été vécue en Occident comme un  problème majeur qui pouvait menacer les pays européens. On assiste alors à deux étapes importantes. D’abord l’introduction de la notion étatique dans un monde morcelé depuis longtemps ;  ses frontières sont alors dessinées sans tenir compte des particularités sociales et ethniques de chaque zone. Puis, dans ses rapports avec le monde arabe, l’Occident bâtit sa conception relationnelle sur une idée erronée, selon laquelle ce monde ne peut prendre que des décisions catastrophiques.

Ces constats donnent lieu à  des craintes qui se trouvent motivées essentiellement par des raisons d’ordre économique visant à préserver les intérêts des pays européens dans les différents États du Moyen-Orient et en Afrique du Nord.  Sur le plan politique, durant les années 50, les anciennes puissances coloniales sont alors confrontées à la montée en puissance des mouvements appelant à l’indépendance comme ce fut le cas en Égypte contre la Grande-Bretagne et en Algérie contre la France. Lorsque le président égyptien Nasser nationalise le canal de Suez en 1956, les intérêts économiques de la France et de la Grande Bretagne sont menacés et frappés de plein fouet par cette nationalisation. Le panarabisme qui accompagne la volonté de l’indépendance initiée par Nasser, et qui s’exporte en Algérie, pousse Londres et Paris à planifier une guerre. Cette guerre qui vise à faire plier Nasser est déclenchée par Tel-Aviv et se termine sur deux front de défaite : une défaite militaire du côté égyptien et une défaite politique du côté de Tel-Aviv, de Paris et de Londres. Washington ordonne le retrait de Tsahal du Sinaï et à la sortie de cette guerre, les puissances coloniales cèdent leurs places aux deux nouvelles puissances américaine et soviétique.

Depuis plusieurs décennies, et à partir des années 80, il y a eu peu à peu une montée des mouvements intégristes dans le monde arabe. Cette vague commence en Égypte et s’exporte par la suite en Algérie. La continuité de cet intégrisme touche par la suite le Soudan et une majeure partie du monde arabe. Le durcissement s’accroît et abouti à la création du groupe Al-Qaïda qui, en début de ce millénaire, attaque le World Trade Center en 2001, provoquant l’intervention américaine en Afghanistan, fin 2001, et en Iraq deux ans après. Depuis, il y a, en Occident, un amalgame dû au fait que ces groupes sont issues de ce monde.  

Ces deux scénarios, celui des années 50 et celui du début du troisième millénaire, sont à l’origine de la peur actuelle à la fois en Europe et aux États-Unis de tout ce qui se rapporte au monde arabe.

D’autre part, cette peur devient un outil et remplit une fonction à vocation d’usage externe de la part des régimes arabes comme c’est le cas du pouvoir égyptien : dissuader l’Occident par la peur et notamment Washington. La logique est basée sur le constat de rationalité. Un choix rationnel, de la part de l’Occident, tend à favoriser toute autre formation politique se situant loin des formations religieuses comme les Frères musulmans. Mais on oublie que cette opposition est manquante voire quasi inexistante dans le monde arabe. Or, ce monde pourrait représenter une chance à la fois pour ses voisins Européens mais aussi pour les Américains. Pour quelles raisons avons-nous peur des Arabes ?    

 

Les raisons sont dans les désordres

On peut déceler deux raisons majeures pour lesquelles le monde arabe se trouve dans son état actuel. On trouve des raisons de l’ordre de la pratique politique et des raisons d’ordre social.

1/ Politiquement, le monde arabe, dans son ensemble, n’a jusqu’à présent pas eu l’occasion de vivre une expérience de la pratique démocratique issue d’un pluralisme politique tel qu’on connaît en occident. Ce que nous voyons n’a de ces pratiques que le nom ou encore la forme. Par exemple, la pratique du vote est essentiellement celle de dire oui ou non à un seul candidat qui est toujours élu avec plus de 90% du suffrage. De ce point de vue, le monde arabe présente des lacunes historiques et par conséquent il manque la culture de pluraliste. Le manque de pluralisme aboutit à une désorientation et une confusion sur le plan de l’exercice du rôle politique dans l’ensemble des structures étatiques du monde arabe.

2/ Socialement, ce même monde arabe, qui n’a pas eu l’occasion de mettre en cause les décisions de ses dirigeants,  n’a pas eu l’habitude de débattre les questions de son existence sociale. Cela  aboutit à une absence du rôle des institutions étatiques cédant ainsi la place au seul pouvoir religieux. Accepté comme une référence qui ne peut être mis en cause, ce pouvoir impose un climat de soumission de la part de toute la société. La confusion antre ce qui est de l’ordre de la pratique sociale et ce qui est de l’ordre de la croyance religieuse donne lieu à une zone de la non clarté généralisée dans les choix des orientations sociales importantes. La société s’est alors trouvée déstructurée. Elle s’est  organisée sur des bases floues dans un espace public de désordre. Cet espace public confusionnel s’est construit sur des bases de non droit qui prime sur les droits. Alors que la forme semble être convenable à tous, l’état de droit cède la place à un état de nature source de conflictualité continuelle dans la pratique politique et l’organisation de la vie sociale du monde arabe.

C’est en raison notamment d’une longue histoire de colonisation, qu’au Caire à Damas ou à Bagdad, la pensée politique arabe a été ramenée à son plus bas niveau. Ce monde détient pourtant un potentiel intellectuel historiquement prouvé. La société arabe d’avant la colonisation connaît une richesse considérable sur le plan sociale culturel et scientifique. La privation d’une pratique de libre pensée politique dans les pays arabes, depuis la fin de la colonisation durant les années 50 et 60 du siècle dernier, est à la racine de l’absence d’une expression politique ou sociale authentique ou encore la production d’un modèle politique arabe.

 

Stabilité ou démocratie, mais pas les deux

Depuis des décennies, l’évolution politique du monde arabe ne s’est pas faite dans une zone socialement stable permettant un débat politique libre comme facteur majeur et nécessaire pour la naissance d’un modèle politique ou démocratique arabe. Au contraire, son évolution s’est faite dans des zones de turbulences guerrières et des bouleversements sociaux à répétition.

Il faut souligner aussi, comme c’est expliqué plus haut, que tous les pays arabes, sans exception, vivent sous des régimes totalitaires qui détiennent un pouvoir absolu et qui fait recours à une pratique massive d’oppressions de toute sorte. La société, qui se trouve dans des telles conditions politiques en plus de la  pauvreté économique critique et un manque intellectuel et éducatif drastique, est alors affaiblie.

Les pratiques démocratiques étant absentes, la société perd confiance dans son avenir. Au lieu de refuser ces modèles répressifs, au contraire elle choisit l’isolement intellectuel, la passivité. Cette fuite empêche l’apparition de l’énergie positive productrice d’idées et d’innovation. Elle pousse à l’apparition du durcissement de ton envers la société elle-même et envers les anciens colonisateurs considérés par ces sociétés comme source de son mal être.

D’un autre côté, l’absence d’un  soutien des pays industriels et la volonté de l’Occident de maintenir une stabilité économique font, à leur tour, barrage à l’émergence des mouvements démocratiques un peu partout dans les pays arabes.

Il y a alors le constat d’une absence des exigences démocratiques. Le terrain s’apprête donc à un clivage social entre une richesse économique d’une minorité et un appauvrissement drastique de la grande majorité des populations arabes. Cette réalité bancale, qui représente une apparence stabilisatrice en Occident, aboutit à la naissance de l’intégrisme à partir des années 80.

 

L’avenir des deux mondes

Un monde arabe uni donnerait une orientation unificatrice à son ensemble. Israël et l’Occident auront un interlocuteur unique et fiable qui pourrait donner lieu à une coopération mutuelle. La peur pourrait alors se  dissiper. La restructuration d’une identité arabe basée sur des nouvelles orientations sociales et politiques arabe, aboutirait à stabiliser le socle historique arabe, actuellement morcelé. L’homogénéisation politique de son ensemble serait un facteur stabilisateur de la région.

Un modèle unitaire et identitaire arabe reste à inventer car les éléments communs à la base de toute union existent (linguistique, historiques et sociales). Avec sa diversité, l’Europe s’est réuni. Elle donne ainsi le modèle à ses voisins arabes. Mais le terrain d’une pratique réellement démocratique reste, avant tout, la condition essentielle à un tel modèle.

Le monde arabe actuel présente des symptômes de dérives et le remède n’est pas dans l’injection de plus d’aides économiques comme c’est le cas jusqu’à présent. L’Europe,  depuis des décennies, ne cesse d’envoyer des fonds et le résultat est toujours le même. La corruption dans le monde arabe est forte et empêche toute distribution équitable ou correcte de ces fonds. L’Europe a donc le choix historique d’œuvrer pour une aide urgente, non pas économique, mais dans le secteur de l’éducation et dans le domaine de la pratique démocratique au sein du monde arabe. C’est une nécessité. Il est peut-être un peu tard, mais mieux vaut tard que jamais.

Aider le monde arabe à retrouver une union est une nécessité historique. A l’heure actuelle, malgré le fait que ce monde détienne une Ligue et un Parlement provisoire, il lui manque une idée fédératrice qui passe par une union identitaire. Si le monde arabe devenait uni, une autre perspective d’avenir pourrait alors s’ouvrir.