Les
regrets de Bush ne changeront rien
En ce début du mois de décombre
et alors que le compte à
rebours commence pour que le président Bush quitte la Maison Blanche, j'ai été
surpris par une déclaration étonnante. C'est Georges W.Bush en
personne qui confie, dans un entretien à la chaîne
ABC, qu' “il n'était pas préparé
pour la guerre en Irak quand il est devenu président”.
Lorsque George W. Bush reconnaît devant les caméras de la télévisions
qu'il n'était pas "préparé pour la guerre", il
laisse un goût amère et une amertume chez des millions de
gens. Mais lorsqu’il utilise le mot d’erreur de
renseignements cela donne envie d’être révolté comme
certainement des millions d’autres. Parmi eux, il y a bien sûre
des familles de victimes irakiennes, des familles des soldats américains
morts ou devenu malades, mais aussi des millions de personnes un
peu partout dans le monde qui subissent les effets désastreux et
néfastes de la campagne militaire de la boucherie de Bush en
Irak.
Comme des millions d’autres, en ce début du mois
de décembre, je me suis mordu les lèvres en l’entendant
prononcer des mots comme “erreurs”. Ce mot que le chancelier
allemand Schröder et le président français Jacques Chirac ont
maintes fois répété avant la guerre en 2002 et en 2003. Ce
mot que le ministre français des Affaires étrangères
Dominique de Villepin a inscrit avec rage dans les registres de
l’Organisation qui ne sert plus à rien depuis des décennies :
l’ONU. Le mot d’erreur avait été aussi prononcé par des
personnalités comme des anciens secrétaires d’État tels que
Henri Kissenger et James Baker, sans oublier le général Norman
Schwartzkopf qui ne cessait de répéter qu'une invasion de l’Irak
ne sera pas aussi simple qu'on la présente et que ce qui se
passera après est un cauchemar. Depuis l’arrivée
de Donald Rumsfeld au Pentagone c’est en effet le courant
neo-conservateurs de la droite américaine qui a pris le
pouvoir. On sait que ce mouvement milite depuis 1997 pour une
invasion de l’Irak. Mais, l’ancien général Schwarzkopf ne
cachait rien de sa colère lorsqu’il écrit dans le Washington
Post : “C’est effrayant ! Il faut voir la vérité en
face : il y a des gars au Pentagone qui ont été impliqué dans
la préparation de ce genre d’opérations toute leur vie...
”. En effet c’est depuis 1975 que Rumsfeld se prépare à
cette guerre.
“Les erreurs du
renseignement américain en Irak resteraient comme le plus grand
regret de mes huit années de présidence”. (…)“Le
plus grand regret de toute cette présidence consistera dans la
défaillance du renseignement en Irak”, dit Bush en
parlant des armes de destruction massive que son gouvernement
accusait Saddam Hussein de posséder et qui ont constitué un
des grands arguments en faveur d'une guerre contestée en 2003.
Les Américains n'ont pas trouvé ces armes en Irak après avoir
chassé Saddam Hussein du pouvoir.
M. Bush a laissé sans réponse la question de savoir s'il
aurait fait la guerre en sachant que Saddam Hussein n'avait pas
de telles armes. "C'est une question intéressante. Ce
serait revenir sur ce qu'on a fait, et c'est une chose que je ne
peux pas faire", a-t-il dit. Il a cependant souligné
une nouvelle fois qu'il n'avait pas été le seul à se fier
au renseignement disant que Saddam Hussein avait de telles
armes, mais qu'il y avait avec lui beaucoup de dirigeants étrangers
ou des parlementaires américains. Bush ne répond pas
clairement mais on sait tous maintenant que cette guerre allait
avoir lieu car Rumsfeld le voulait depuis 1976.
Le but était de chasser Saddam Hussein du pouvoir coûte que coûte.
En
janvier 2009, George Walker Bush quittera la Maison Blanche sans
capturer Ben Laden et sans rétablir la situation devenue
chaotique en Irak depuis qu’il déclenche les hostilités en
mars 2003. Les Talibans sont toujours en force et l’Organisation
Al-Qaïda n’a pas été démantelée. Le 43ème président
des États-Unis (2000-2008), qui mène une campagne de lutte
contre le terrorisme, déclenche deux guerres durant ses deux
mandats. La première se déroule en 2001 contre les Talibans en
Afghanistan et la deuxième a lieu contre l’Irak deux ans plus
tard. Aucune des deux ne sera gagnée.
Bush
qui reconnaît ne pas été prépéré à la guerre échoue dans
l’effort d’affaiblir Al-Qaïda en menant leur guerre contre
le terrorisme, selon les résultats d’un sondage effectué
dans 23 pays et publié le 28 septembre 2008.
En 2003, Bush tente
d’apporter la démocratie en Irak par la force du feu. L'Amérique
attaque l'Irak. Motif invoqué : les armes de destruction
massive irakiennes et des liens entre Saddam Hussein et
l’organisation terroriste Al-Qaïda. C’était le 20 mars à
3h30, heure de Paris. Le monde apprend que l’armée américaine
tire sur Bagdad une quarantaine de missiles de croisières
Tomahawk à partir de sous-marins et de bâtiments de surface.
Deux bunkers sont visés où Saddam Hussein et les principaux
dirigeants irakiens sont supposés être.
Trois
jours auparavant, dans son discours de quinze minutes, le 17
mars 2003, le Président Bush, qui donnait 48 heures à l'Irak
avant de déclencher une guerre, déclare : « On a
pris la décision d'attaquer l'Irak il y a longtemps. »
Le tout est dans le « longtemps ». Le Baltimore
Sun du 16 mars écrit que, lors d’une des premières réunions
du Conseil de sécurité Nationale de sa présidence, plusieurs
mois avant les attentats terroristes contre le World Trade
Center et le Pentagone, Bush exprime déjà sa détermination
de renverser Saddam Hussein et sa volonté d'insérer des
troupes américaines en Irak. Pour ce faire, il fallait
simplement trouver le bon prétexte. Les armes de destruction
massive et des liens avec Al-Qaïda sont-ils des prétextes
valables ? Sont-ils les vraies raisons de cette guerre ?
L'ancien
ministre des Affaires étrangères britannique Robin Cook, qui
quitte le gouvernement Blair pour protester contre la décision
de partir en guerre sans l'autorisation de l'ONU, déclare :
« L'Irak n'a probablement pas d'armes de destruction massive
dans le sens normal du terme. » En ce qui concerne les
possibles liens de l’Irak avec des terroristes et des agents
d'Al-Qaïda, personne n’y croit. Même dans le gouvernement américain,
personne ne croit sérieusement qu'il y a un lien important
entre les intégristes islamiques et le régime laïc
nationaliste baasiste d'Irak.
Saddam
Hussein et Oussama Ben Laden sont des ennemis mortels depuis des
décennies. L'affirmation continue durant des mois, d'une
entente Al-Qaïda-Irak, est une tentative désespérée de lier
Saddam Hussein aux attentats du 11 septembre.
« Lorsque notre coalition les chassera du pouvoir, nous
vous distribuerons les vivres et les médicaments dont vous avez
besoin. (…) Nous détruirons l'appareil de la terreur
et nous vous aiderons à construire un nouvel Irak qui sera
prospère et libre. (…) La menace terroriste qui pèse
sur les États-Unis et le reste du monde diminuera dès que
Saddam Hussein sera désarmé. (…) Contrairement à
Saddam Hussein, nous croyons que le peuple irakien mérite la
liberté et est capable de l'assumer. Les États-Unis, avec
d'autres pays, œuvreront à promouvoir la liberté et la paix
dans cette région, déclare le président Bush, mais
personne, même dans l'établissement militaire américain, ne
le croit sérieusement.
Substituons « le peuple irakien» par « le peuple
égyptien», « le peuple de la péninsule arabique», « le
peuple pakistanais», ou ceux d'autres dictatures appuyées par
les États-Unis, pour ne pas parler des Palestiniens qui vivent
sous une occupation israélienne soutenue par les États-Unis.
Le gouvernement américain croit-il que ces peuples « méritent
la liberté» ou qu'ils soient « capables de l'assumer ?»
Quand le parlement de la Turquie, sous la pression de l'opinion
publique, a voté pour interdire aux États-Unis l'utilisation
du territoire turc pour envahir l'Irak, l'administration Bush
fait un appel aux forces armées turques pour faire pression sur
le gouvernement pour renverser cette décision démocratique,
écrit, le 20 mars 2003, Patrick Martin, dans son article « Les
vingt mensonges de George W. Bush. »
Mais
pour la guerre contre le terrorisme, et entre Saddam Hussein et
Oussama Ben Laden, qui choisir ? Bush opte pour Saddam
Hussein. Les regrets de Bush ne changent rien de la donne. Il
quitte la Maison Blanche alors que la terreur frappe toujours
conne ces derniers jours en Inde. S’il y a un mot à dire à
Bush ce sera de lui signifier qu’il peut aussi regretter
d’avoir entraîné l’Amérique et le monde sur le voie du déclin.
Mais les regrets de Bush ne changeront rien dans le cour de
l’histoire.
Mohamed
Abdel Azim*
Lyon - France
Mohamed
Abdel Azim est docteur en Science politique, journaliste à
EuroNews, membre du Comité
Directeur Newropeans
en charge des affaires méditerranéennes et arabes. Il est
l’auteur du livre : Israël
et la bombe atomique, la face cachée de la politique américaine,
Paris, publié aux éditions l’Harmattan, 2006.
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