Mohamed Abdel Azim 

 

 

 

 

 

 

 

Les regrets de Bush ne changeront rien 

 

                                                     

Par Mohamed Abdel Azim

      

Décembre 2008

   

Les regrets de Bush ne changeront rien

En ce début du mois de décombre et alors que le compte à rebours commence pour que le président Bush quitte la Maison Blanche, j'ai été surpris par une déclaration étonnante. C'est Georges W.Bush en personne qui confie, dans un entretien à la chaîne ABC,  qu' il n'était pas préparé pour la guerre en Irak quand il est devenu président”. Lorsque George W. Bush reconnaît devant les caméras de la télévisions qu'il n'était pas "préparé pour la guerre", il laisse un goût amère et une amertume chez des millions de gens. Mais lorsqu’il utilise le mot d’erreur de renseignements cela donne envie d’être révolté comme certainement des millions d’autres. Parmi eux, il y a bien sûre des familles de victimes irakiennes, des familles des soldats américains morts ou devenu malades, mais aussi des millions de personnes un peu partout dans le monde qui subissent les effets désastreux et néfastes de la campagne militaire de la boucherie de Bush en Irak.

Comme des millions d’autres, en ce début du mois de décembre, je me suis mordu les lèvres en l’entendant prononcer des mots comme “erreurs”. Ce mot que le chancelier allemand Schröder et le président français Jacques Chirac ont maintes fois répété avant la guerre en 2002 et en 2003. Ce mot que le ministre français des Affaires étrangères Dominique de Villepin a inscrit avec rage dans les registres de l’Organisation qui ne sert plus à rien depuis des décennies : l’ONU. Le mot d’erreur avait été aussi prononcé par des personnalités comme des anciens secrétaires d’État tels que Henri Kissenger et James Baker, sans oublier le général Norman Schwartzkopf qui ne cessait de répéter qu'une invasion de lIrak ne sera pas aussi simple qu'on la présente et que ce qui se passera après est un cauchemar. Depuis l’arrivée de Donald Rumsfeld au Pentagone c’est en effet le courant neo-conservateurs de la droite américaine qui a pris le pouvoir. On sait que ce mouvement milite depuis 1997 pour une invasion de l’Irak. Mais, l’ancien général Schwarzkopf ne cachait rien de sa colère lorsqu’il écrit dans le Washington Post : “C’est effrayant ! Il faut voir la vérité en face : il y a des gars au Pentagone qui ont été impliqué dans la préparation de ce genre d’opérations toute leur vie... ”. En effet c’est depuis 1975 que Rumsfeld se prépare à cette guerre.

Les erreurs du renseignement américain en Irak resteraient comme le plus grand regret de mes huit années de présidence”. (…)“Le plus grand regret de toute cette présidence consistera dans la défaillance du renseignement en Irak”, dit Bush en parlant des armes de destruction massive que son gouvernement accusait Saddam Hussein de posséder et qui ont constitué un des grands arguments en faveur d'une guerre contestée en 2003. Les Américains n'ont pas trouvé ces armes en Irak après avoir chassé Saddam Hussein du pouvoir.

M. Bush a laissé sans réponse la question de savoir s'il aurait fait la guerre en sachant que Saddam Hussein n'avait pas de telles armes. "C'est une question intéressante. Ce serait revenir sur ce qu'on a fait, et c'est une chose que je ne peux pas faire", a-t-il dit. Il a cependant souligné une nouvelle fois qu'il n'avait pas été le seul à se fier au renseignement disant que Saddam Hussein avait de telles armes, mais qu'il y avait avec lui beaucoup de dirigeants étrangers ou des parlementaires américains. Bush ne répond pas clairement mais on sait tous maintenant que cette guerre allait avoir lieu car Rumsfeld le voulait depuis 1976[1]. Le but était de chasser Saddam Hussein du pouvoir coûte que coûte.

En janvier 2009, George Walker Bush quittera la Maison Blanche sans capturer Ben Laden et sans rétablir la situation devenue chaotique en Irak depuis qu’il déclenche les hostilités en mars 2003. Les Talibans sont toujours en force et l’Organisation Al-Qaïda n’a pas été démantelée. Le 43ème président des États-Unis (2000-2008), qui mène une campagne de lutte contre le terrorisme, déclenche deux guerres durant ses deux mandats. La première se déroule en 2001 contre les Talibans en Afghanistan et la deuxième a lieu contre l’Irak deux ans plus tard. Aucune des deux ne sera gagnée.

 

Bush qui reconnaît ne pas été prépéré à la guerre échoue dans l’effort d’affaiblir Al-Qaïda en menant leur guerre contre le terrorisme, selon les résultats d’un sondage effectué dans 23 pays et publié le 28 septembre 2008[2]. En 2003, Bush tente d’apporter la démocratie en Irak par la force du feu. L'Amérique attaque l'Irak. Motif invoqué : les armes de destruction massive irakiennes et des liens entre Saddam Hussein et l’organisation terroriste Al-Qaïda. C’était le 20 mars à 3h30, heure de Paris. Le monde apprend que l’armée américaine tire sur Bagdad une quarantaine de missiles de croisières Tomahawk à partir de sous-marins et de bâtiments de surface. Deux bunkers sont visés où Saddam Hussein et les principaux dirigeants irakiens sont supposés être.

 

Trois jours auparavant, dans son discours de quinze minutes, le 17 mars 2003, le Président Bush, qui donnait 48 heures à l'Irak avant de déclencher une guerre, déclare : « On a pris la décision d'attaquer l'Irak il y a longtemps. » Le tout est dans le « longtemps ». Le Baltimore Sun du 16 mars écrit que, lors d’une des premières réunions du Conseil de sécurité Nationale de sa présidence, plusieurs mois avant les attentats terroristes contre le World Trade Center et le Pentagone, Bush exprime déjà sa détermination de renverser Saddam Hussein et sa volonté d'insérer des troupes américaines en Irak. Pour ce faire, il fallait simplement trouver le bon prétexte. Les armes de destruction massive et des liens avec Al-Qaïda sont-ils des prétextes valables ? Sont-ils les vraies raisons de cette guerre ?

 

L'ancien ministre des Affaires étrangères britannique Robin Cook, qui quitte le gouvernement Blair pour protester contre la décision de partir en guerre sans l'autorisation de l'ONU, déclare : « L'Irak n'a probablement pas d'armes de destruction massive dans le sens normal du terme. » En ce qui concerne les possibles liens de l’Irak avec des terroristes et des agents d'Al-Qaïda, personne n’y croit. Même dans le gouvernement américain, personne ne croit sérieusement qu'il y a un lien important entre les intégristes islamiques et le régime laïc nationaliste baasiste d'Irak.

 

Saddam Hussein et Oussama Ben Laden sont des ennemis mortels depuis des décennies. L'affirmation continue durant des mois, d'une entente Al-Qaïda-Irak, est une tentative désespérée de lier Saddam Hussein aux attentats du 11 septembre.

 

 « Lorsque notre coalition les chassera du pouvoir, nous vous distribuerons les vivres et les médicaments dont vous avez besoin. (…) Nous détruirons l'appareil de la terreur et nous vous aiderons à construire un nouvel Irak qui sera prospère et libre. (…) La menace terroriste qui pèse sur les États-Unis et le reste du monde diminuera dès que Saddam Hussein sera désarmé. (…) Contrairement à Saddam Hussein, nous croyons que le peuple irakien mérite la liberté et est capable de l'assumer. Les États-Unis, avec d'autres pays, œuvreront à promouvoir la liberté et la paix dans cette région, déclare le président Bush, mais personne, même dans l'établissement militaire américain, ne le croit sérieusement.

 

Substituons « le peuple irakien» par « le peuple égyptien», « le peuple de la péninsule arabique», « le peuple pakistanais», ou ceux d'autres dictatures appuyées par les États-Unis, pour ne pas parler des Palestiniens qui vivent sous une occupation israélienne soutenue par les États-Unis. Le gouvernement américain croit-il que ces peuples « méritent la liberté» ou qu'ils soient « capables de l'assumer ?» Quand le parlement de la Turquie, sous la pression de l'opinion publique, a voté pour interdire aux États-Unis l'utilisation du territoire turc pour envahir l'Irak, l'administration Bush fait un appel aux forces armées turques pour faire pression sur le gouvernement pour renverser cette décision démocratique, écrit, le 20 mars 2003, Patrick Martin, dans son article « Les vingt mensonges de George W. Bush. » 

Mais pour la guerre contre le terrorisme, et entre Saddam Hussein et Oussama Ben Laden, qui choisir ? Bush opte pour Saddam Hussein. Les regrets de Bush ne changent rien de la donne. Il quitte la Maison Blanche alors que la terreur frappe toujours conne ces derniers jours en Inde. S’il y a un mot à dire à Bush ce sera de lui signifier qu’il peut aussi regretter d’avoir entraîné l’Amérique et le monde sur le voie du déclin. Mais les regrets de Bush ne changeront rien dans le cour de l’histoire.



[1] Mohamed Abdel Azim, “Le Moyen-Orient et les scénarios des néoconservateurs”, Newropeans Magazine, 10 avril 2008.

[2]US War on Terror Has Not Weakened al Qaeda”, BBC World Service, Global Poll, 28 septembre 2008.

 

 

Mohamed Abdel Azim*
Lyon - France

 


Mohamed Abdel Azim est docteur en Science politique, journaliste à EuroNews, membre du Comité Directeur Newropeans en charge des affaires méditerranéennes et arabes. Il est l’auteur du livre : Israël et la bombe atomique, la face cachée de la politique américaine, Paris, publié aux éditions l’Harmattan, 2006.